"I don't get it, if you're broke, how can you pay him?"
Avec cette libre adaptation du "A Gun for Sale" de Graham Greene(1), paru en 1936, l'inédit duo W.R. Burnett(2)-Albert Maltz (The Naked City, Broken Arrow) signait l'un des bons polars d'une décennie récemment marquée par l'attaque sur Pearl Harbor puis l'entrée en guerre des Etats-Unis. Sans doute meilleure réalisation du New-yorkais Frank Tuttle (à mille lieues de l'antique comédie musicale Roman Scandals !), This Gun for Hire offrait en outre son premier grand rôle à Alan Ladd, dont la carrière au cinéma, débutée dix ans plus tôt, avait été jusque-là constituée de petits emplois rarement crédités. Cette soudaine notoriété se voyait d'ailleurs confirmée par la présence de l'époux de Sue Carol à l'affiche de The Glass Key, tiré du roman de Dashiell Hammett où il avait également Veronica Lake pour partenaire, et de Lucky Jordan du même Tuttle sortis quelques mois plus tard.
Lorsque, à quatorze heures quinze, la sonnerie du réveil tire Philip Raven de son sommeil, celui-ci se rend au domicile d'Alan Baker. Raven a été engagé par un employeur inconnu, victime du chantage de ce chimiste, afin de récupérer auprès de lui deux documents et l'abattre. Mais, contrairement à l'information donnée, l'homme n'est pas seul et il doit également éliminer sa secrétaire. Raven retrouve bientôt Johnson, le mandataire du crime, qui lui remet une enveloppe contenant, en liasses de dix, les vingt mille dollars promis. Le replet homme en question se présente peu après sous l'identité de Willard Gates, cadre de l'entreprise Nitro Chemical de Los Angeles, au commissariat central de police. Reçu par le lieutenant Michael Crane spécialement dépêché à San Francisco, il y réactive la plainte déposée une semaine auparavant pour le vol de vingt mille dollars en billets de dix dont les numéros ont été relevés et rappelle la récompense du quart de la somme offerte. Gates assiste ensuite à la prestation de la chanteuse et prestidigitatrice Miss Ellen Graham. Charmé à double titre, il la recrute pour son "Club Neptune" et l'invite à dîner le lendemain. L'artiste, fiancée à Crane, est alors conduite dans la limousine du sénateur Burnett, lequel la charge de confirmer les soupçons d'espionnage et de trafic scientifique au profit de l'ennemi qui pèsent sur Gates et ses collaborateurs. Mais la matin suivant, ce dernier aperçoit Raven, qui a échappé à la police pour le prétendu vol et le recherche, assis par hasard aux côtés de la jeune femme dans le train qui les emmène à Los Angeles et les croit complices.
Tourné entre octobre et décembre 1941, This Gun for Hire ne fait généralement pas partie des polars ou films noirs cités spontanément pas les amateurs du genre. Pourtant, malgré quelques modestes failles scénaristiques, le film de Frank Tuttle (plus inspiré qu'à l'occasion du français Gunman in the Streets) possède d'indéniables qualités. Il annonce aussi, d'une certaine manière, ces productions policières à petit budget caractérisées par la brutalité de leur violence, tel le percutant Raw Deal d'Anthony Mann. Plus visiblement anecdotique que réellement "palpable", la crainte paranoïaque d'une attaque chimique du principal belligérant des Etats-Unis y a moins d'influence que l'ambiguïté(3) du personnage interprété avec nuances par Alan Ladd. A priori importante sur le fond, évidemment plaisante sur la forme, mais dans l'ensemble plus convenue, la participation de Veronica Lake(4) altère en effet un peu l'intensité dramatique et "fatale" du récit. Les seconds rôles, parmi lesquels Marc Lawrence, manque en outre un peu d'étoffe. Deux autres versions du roman seront enfin ensuite produites, Short Cut to Hell de James Cagney puis celle homonyme et télévisuelle de Lou Antonio avec Robert Wagner pour succéder à Ladd.
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1. son septième roman, le deuxième porté à l'écran après Orient Express de Paul Martin.
2. auteur notamment de Little Caesar, High Sierra et The Asphalt Jungle, co-scénariste de Scarface et de quelques autres significatives productions, telles The Westerner, Yellow Sky et The Great Escape.
3. d'emblée patente grâce à la séquence d'ouverture dans laquelle Raven se montre doux avec son chaton et excessivement agressif avec la femme de ménage. Puis encore gentil à l'égard d'une fillette poliomyélite assise sur une marche de l'escalier menant à l'appartement de Baker. Une ambivalence dont il confesse à Ellen, qui a su gagner sa confiance, la cause probable.
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