"You ever keep the things that need mending, haven't you son?"
Ceux qui connaissaient Arthur Lubin à travers ses cinq longs métrages du fameux duo comique Bud Abbott-Lou Costello(1) ont dû être surpris par cet Impact. L'ancien interprète du roi Louis XIII dans Bardelys the Magnificent de King Vidor avait pourtant suivi, depuis le début des années 1940, une trajectoire presque incroyable par sa versatile sinuosité(2). Il n'est donc pas si stupéfiant de trouver cet atypique film-noir parmi une quinzaine de polars dans la filmographie du "polyvalent" réalisateur. Imaginé et co-signé par le New-yorkais Jay Dratler (Laura, The Dark Corner, Call Northside 777), le scénario étonne, voire désarme cette fois à juste titre en renonçant à une mécanique narrative conformiste. Comme la production par le quasi contre-emploi de Brian Donlevy, habitué aux rôles emblématiques de "tough guy (not a wrong guy)"(3).
Directeur de production d'un groupe basé à San Francisco, Walter Williams vient d'acquérir des usines à Denver où il doit se rendre, en compagnie de sa très chère épouse Irène, le soir même. Mais celle-ci, prétextant une rage de dents, décide de renoncer à ce voyage. Lorsque Walt passe par son appartement avant de partir pour San Rafael, Irene lui suggère de le rejoindre en taxi à Sausalito après avoir pris un peu de repos. Ne la voyant pas à l'heure et au lieu du rendez-vous, Walt l'appelle au téléphone. Toujours souffrante, Irene demande à son époux de bien vouloir emmener son cousin James Torrence, qui rentre en Illinois où réside leur tante Margaret et attend déjà à côté de son véhicule, jusqu'à Denver. L'individu, en réalité l'amant d'Irène avec laquelle il a organisé le meurtre de Walt, provoque une crevaison lente. Une fois la réparation achevée sur une route de montagne, Jim frappe violemment ce dernier à la tête avec le démonte-pneu et pousse le corps en contrebas. Au moment de partir au volant du coupé Packard après avoir récupéré les clefs dans la poche de la victime, Jim se retrouve bloqué par un camion de déménagement dont les occupants se sont arrêtés pour lui proposer leur assistance. La nervosité et la vitesse lui font perdre le contrôle du véhicule qui percute bientôt un camion-citerne venant en sens inverse. Impossible à identifier, le corps calciné est présumé être celui du propriétaire qui, un peu plus loin, reprend difficilement conscience.
Produit par Leo C. Popkin(5) et tourné dans la région de San Francisco en septembre-novembre 1948, Impact développe de manière très singulière le thème en vogue de la traîtresse épouse (magistralement mis en scène, à partir du même roman, par Luchino Visconti et Tay Garnett respect. dans les récents Ossessione et The Postman Always Rings Twice). Comment, en effet, qualifier autrement les réactions et motivations de 'Softey' Williams consécutives à l'évidence de l'insidieux complot fomenté contre lui par sa présumée tendre moitié ? Tenté (résigné ?) par un nouveau départ(6) plus que par une vengeance immédiate, le personnage central semble avoir perdu, renoncé à l'audace et à la combativité qu'il mettait en évidence dans la séquence introductive du film. Une inaccoutumée et intéressante mutation (winner to lo(o)ser) qui leur donne cette tonalité mélancolique et désabusée. Moins remarquable, saisissant que Double Indemnity de Wilder sorti cinq ans auparavant, Impact joue sur un autre registre, au carrefour du film d'investigation (plus que du véritable film-noir) et du drame psycho-sentimental, orientation très prégnante dans la deuxième partie, le tout mâtiné de quelques touches humoristiques. Le style peu identifiable (pour ne pas dire impersonnel) d'Arthur Lubin ne permet pas à celui du directeur de la photographie Ernest Laszlo de se distinguer. A l'exception du sympathique comédien Charles Coburn(7), aucun des membres du quatuor de tête ne réussit à convaincre vraiment ; Brian Donlevy mal à l'aise dans le pathétique, la lumineuse Ella Raines, pourtant si troublante dans Phantom Lady et The Suspect, au rôle trop étroit et, ici trop mécanique, Helen Walker (partenaire de Fred MacMurray dans la comédie Murder, He Says, de Tyrone Power dans Nightmare Alley et qui retrouvera Donlevy dans The Big Combo). Impact marque enfin le retour de la sino-étasunien Anna May Wong, absente des écrans depuis 1942.
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1. notamment les trois premiers, Buck Privates, In the Navy et Hold That Ghost.
2. surprise sensiblement comparable à celle des spectateurs de George Cukor en découvrant Gaslight.
3. que l'on en juge puisque se succèdent en moins de cinq ans des productions aussi différentes que White Savage et New Orleans ne passant par Phantom of the Opera, Ali Baba and the Forty Thieves ou The Spider Woman Strikes Back !
4. in The Great McGinty de Preston Sturges.
5. associé à René Clair pour And Then There Were None, futur promoteur du D.O.A. de Rudolph Maté et également réalisateur, en particulier de l'intéressant mais méconnu The Well.
6. un peu à la manière du Johnny Bradfield de They Made Me a Criminal.
7. le 'Colonel' Harrington du The Lady Eve de Sturges, l'Hugo Van Cleve du Heaven Can Wait de Ernst Lubitsch et oscarisé en 1944 pour son second rôle dans The More The Merrier de George Stevens.
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