"The more there is of mine, the less there is of yours."

Depuis son institution(1) en septembre 1947, l'activité de la Central Intelligence Agency alimente abondamment, de manière réaliste ou fantasmatique, la littérature et les scénarii de films. De The Quiet American
signé par Graham Greene
aux Jack Ryan et Jason Bourne imaginés respectivement par Tom Clancy
et Robert Ludlum
, on ne compte plus les couvertures et affiches(2) célébrant (un paradoxe !) des héros plus ou moins discrets dont la vertu première est le secret. Au sein de cette production, riche et variée, The Company
retrace,
à travers le destin croisé de trois anciens camarades d'université, la
période cruciale des relations soviéto-étasuniennes entre 1954 et 1989.
Tirée du roman éponyme de Robert Littell
(The Amateur
) paru en 2002, cette série télévisée en trois épisodes dirigée par Mikael Salomon
(co-réalisateur de The Agency
) ne manque pas d'arguments.










Berlin, 1954. Dans la zone américaine de la ville, Harvey 'The Sorcerer' Torriti reçoit Konstantin Vichnevski.
Les informations apportées par le ressortissant russe, candidat avec sa
famille à un passage à l'Ouest, ne suffisent pas à son interlocuteur.
L'individu révèle alors la présence d'une taupe soviétique dans les
services secrets britanniques. Au siège de Langley, James 'Mother' Angleton est chargé d'évaluer la réalité de cette allégation. Jack McCauliffe, actuel collaborateur de Torriti, et son ami Leo Kritzky ont été recrutés par Frank 'Wiz' Wisner, responsable de la division Russie soviétique, à leur sortie de Yale. A la même époque, leur camarade Evgueni Tsipine, retourné en Russie pour les funérailles de sa mère, était convaincu par Pavel 'Starik' Zhilov de servir d'intermédiaire aux Etats-Unis pour le KGB.

Guerre froide, angoisse obsédante du risque atomique, renseignement et contre-espionnage, peut-on rêver (cauchemarder !) plus intense et dramatique contexte narratif d'Après-guerre que celui-ci ? Produit avant The Good Shepherd
de Robert De Niro
, The Company
y développe une intrigue intéressante, prenante même, centrée sur le délogement d'agents infiltrés(3), sur l'antagonisme de deux idéaux utopiques, sur l'absolue bivalence du matériau recueilli ("the more valuable the real informations, bigger the potential deception").
Berlin avant l'édification du mur, révolte de Budapest, échec de la
tentative d'invasion militaire de Cuba, perestroïka, une tumultueuse,
fébrile tranche d'histoire reconstituée ici avec ambition et sérieux, en
particulier un remarquable travail de production (photographie, décors, costumes...).
La série met d'ailleurs assez bien en évidence la mutation opérée par
l'agence de l'analyse des renseignements et des tentatives de
neutraliser les fuites à la tentation puis l'organisation
d'interventions sur le terrain. Parmi le casting solide réuni par les
producteurs, la prestation d'Alfred Molina
et surtout celle de Michael Keaton
doivent être soulignées.





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1. suite au démantèlement de l'Office of Strategic Services (OSS) par le président Harry Truman.
2. Confessions of a Dangerous Mind
, Syriana
, Breach
, Charlie Wilson's War
, Rendition
et Body of Lies
sans oublier les documentaires CIA, guerres secrètes
ou l'épisode (11 saison 9) "The Spy Hunter" de la série Frontline.







3. sur le thème, Watch on the Rhine
et Stalag 17
restent les fictions de référence.

