jeudi 21 juillet 2005

The Bat Whispers


"Il murmure à mon oreille à travers le mur."

Le cinéma de l'excentrique Roland West est relativement méconnu, en particulier en France. Et c'est bien dommage car il possédait, à cette époque de la délicate transition vers le parlant, un vrai génie du climat et de la mise en scène. Il est, d'ailleurs, probablement l'un des fondateurs du film noir. Ce sont surtout ses adaptations de pièces de théâtre qui ont retenu l'attention des cinéphiles. D'abord The Monster, film muet où le réalisateur alterne mystère et comédie et dans lequel s'expriment déjà sa gestion si particulière des plans et des espaces, dans une atmosphère et des lumières qui rappellent l'expressionnisme allemand. The Bat Whispers ensuite, version sonorisée du muet et, hélas, disparu The Bat sorti quatre ans plus tôt. Le scénario reprend le matériau narratif du grand succès de Broadway en 1920 signé Mary Roberts Rinehart et Avery Hopwood*. Produit par Joseph M. Schenck, notamment connu pour sa longue et fructueuse collaboration avec Buster Keaton et Roscoe 'Fatty' Arbuckle, le film** est réputé être, au moins en partie, à l'origine du personnage de Batman créé par Bob Kane.
La police est sur les dents. Elle s'attend, entre vingt-trois heures et minuit, au vol du fameux collier Rossmore, récemment acquis par M. Bell. Le forfait, annoncé par son auteur The Bat, considéré comme un dangereux criminel dément, doit être commis dans l'appartement du collectionneur de bijoux en présence de celui-ci. Le collier est effectivement dérobé malgré l'important détachement de policiers sur place. Un peu plus tard, c'est au tour de la banque d'Oakdale d'être dévalisée d'un demi-million de dollars. La disparition du jeune caissier Brook Bailey n'empêche pas les enquêteurs, parmi lesquels figure l'inspecteur Anderson, de suspecter The Bat. C'est dans la demeure louée par la déterminée Mme Van Gorder à Richard Fleming, le neveu désargenté du président de la banque, que va se jouer la suite de ces étranges événements.
Lorsque The Bat Whispers est diffusé pour la première fois, le cinéma parlant n'a que deux ans d'existence. Le film sort la même année que Der Blaue Enge de von Sternberg. M de Lang, Dr. Jekyll and Mr. Hyde de Mamoulian ou Freaks de Tod Browning lui sont donc postérieurs. Il s'inscrit dans une tradition d'œuvres nocturnes et populaires aux tonalités fantastiques telles que Les Vampires de Feuillade, Das Kabinett des Doktor Caligari de Robert Wiene, le diptyque langienSpinnen ou encore The Cat and the Canary de Paul Leni. Comme dans ces derniers, la dramatisation par les éclairages et les ombres est manifeste. La bande sonore ajoute une intensité supplémentaire qui n'existait, bien sûr, pas dans la version de 1926. L'origine scénique du film est encore sensible, surtout lorsque l'intrigue s'installe dans la résidence du président Fleming, mais Roland West s'en libère régulièrement, en particulier par ses (quoique truqués, prodigieux pour l'époque) vertigineux traveling. Les épisodes burlesques, même s'ils altèrent légèrement la tension du récit, apportent une dimension contrapuntique intelligente et savoureuse. Le casting réunit le new-yorkais Chester Morris, un habitué du polar, déjà présent dans le précédent film de West, Alibi, sa partenaire dans le controversé Red-Headed Woman, Una Merkel, doublure de Lillian Gish à ses débuts et nommée aux "Oscars" plus de trente ans plus tard, Maude Eburne, qui jouera également une domestique dans To Be or Not to Be, le second rôle britannique de plusieurs très bons films américains Grayce Hampton et l'inquiétant acteur d'origine bavaroise Gustav von Seyffertitz.
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*Crane Wilbur en donnera sa version en 1959 avec Vincent Price dans le rôle principal.
**plus nettement la version muette dans laquelle l'ombre de 'The Bat' est distinctement projetée sur un mur, image qui reprendra abondamment le comic book de Bob Kane.

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