vendredi 8 juillet 2005

La Grande guerra la grande guerre)


"... Une éternité à rien foutre sans une minute de repos."

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Pendant que les premiers rouleaux de la Nouvelle vague déferlaient sur la France, Mario Monicelli présentait La Grande guerra à la Mostra de Venise et y recevait le "Lion d'or" (ex æquo avec Il Generale della Rovere de Roberto Rossellini). Spécialiste, comme Dino Risi, de la comédie populaire à l'italienne (sa série de Toto est unique), le réalisateur vient de remporter un joli succès avec I Soliti ignoti (ce film et le suivant sont d'ailleurs sélectionnés dans la catégorie "meilleur film étranger" des Academy Awards, respectivement battus par Mon oncle et Orfeu Negro). Il signe ici une œuvre à la croisée de deux genres antinomiques, le film de guerre et la satire intimiste, aux tonalités à la fois graves et drôles. Un pari délicat, pas totalement concluant, qui souffre notamment de la comparaison avec le remarquable et bien plus sérieux Paths of Glory (1957) de Kubrick, une autre charge contre les absurdes et dramatiques velléités bellicistes de l'homo réputé sapiens.
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Depuis le 23 mai 1915, l'Italie est en guerre contre l'Autriche-Hongrie. Au printemps 1917, l'armée péninsulaire subit de graves revers sur l'Isonzo et le Carso. Le milanais Giovanni Busacca essaie, en vain, d'éviter l'incorporation en soudoyant le militaire d'origine romaine Oreste Jacovacci. Ils se retrouvent bientôt tous les deux sur le front vénitien. Lâches par tempérament autant que par absence de raisons d'être courageux, ils essaient, dès que l'occasion leur est fournie, d'échapper aux dangers qui les menacent en permanence. Mais comme ils sont aussi maladroits que malchanceux, ils se retrouvent le plus souvent en première ligne, à exécuter des missions périlleuses. Sauf lorsque l'une d'entre elles leur fait échapper au bombardement meurtrier de leur compagnie ou quand le soldat Bordin, un père de famille nombreuse accepte, moyennant finance, de les remplacer. Au début de l'hiver, les troupes italiennes sont mises en échec par l'ennemi qui perce le front à Caporetto, les obligeant à reculer sur la Piave.
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Ce qui frappe instantanément lorsque l'on regarde La Grande guerra, c'est l'étonnante faiblesse de son matériau narratif. Simple journal des pérégrinations de ces deux pieds nickelés italiens à travers la zone méridionale de cette insensée grande boucherie du début du XXe siècle, le film manque un peu de vigueur et de rythme, d'autant qu'il dure plus de deux heures. Mais la charme opère néanmoins insensiblement, davantage dans l'émotion que dans l'humour d'ailleurs. La bêtise de la hiérarchie militaire est soulignée dans le tragique épisode du jeune messager et les deux personnages principaux remontent dans notre estime au moment de leur rencontre fortuite avec la signora Bordin qui ne se sait pas encore veuve. L'art de Monicelli de la mise en situation apporte une valeur ajoutée indéniable par rapport à des films comme l'intéressant Up Front d'Alexander Hall ou l'honnête What Price Glory de John Ford. La Grande guerra réunit pour la première fois (sur six) le duo Gassman*-Sordi aux registres différents et complémentaires. Le premier, probablement plus à l'aise dans le cinéma de Risi, ne donne qu'un aperçu de son vaste talent ; le second est, ici, plus convaincant dans un personnage plus effacé mais aussi plus contrasté. La participation de Mme Dino De Laurentiis, Silvana Mangano, n'est pas très importante, tant en durée qu'en qualité. Bernard Blier fait deux courtes apparitions au début et dans la dernière partie du film, le premier d'une longue série tournée en Italie. Tout ce beau monde se retrouvera, l'année suivante, dans le Crimen de Mario Camerini. Notons, pour conclure, la jolie galerie de personnages secondaires, les références à la diva Francesca Bertini et à Bakounine (contrepoint au futur fasciste Mussolini, en partie responsable de l'entrée en guerre de l'Italie en 1915) et la partition de Nino Rota à l'identité assez peu marquée.
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*dont le père était, rappelons-le, autrichien !

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