San duk bei do, très apprécié en Occident* (davantage qu'il ne l'est dans son pays d'origine où on lui préfère Dubei dao) clôt donc cette "Trilogie du sabreur manchot". Ou, devrait-on dire, "... des sabreurs manchots" puisque ce film ne met plus en scène Fang Cheng, le personnage initial, mais un digne successeur. L'histoire ne raconte pas précisément, outre le départ de Jimmy Wang Yu de la Shaw,
la raison de cette rupture dans la continuité. Peut-être fallait-il,
tout simplement, refonder le mythe pour lui donner une nouvelle
légitimité ? Quoi qu'il en soit, c'est une des œuvres archétypales de Chang Cheh.
Le réalisateur y déploie, presque sans contraintes, ses obsessions
visuelles et thématiques à travers un récit d'une grande simplicité,
marqué par l'intéressant motif du double.
Lei Li
fait figure, depuis les six derniers mois, de justicier sabreur le plus
redouté par les brigands du pays. Pour éliminer ce dangereux rival, Long Yi-zhi, un maître du kung fu doublé d'un redoutable malfaiteur, fait répandre la rumeur selon laquelle Lei Li
serait à l'origine du vol d'une forte somme placée sous la
responsabilité de la société de transport de fonds Yuansheng. Les hommes
de Long sont, en réalité, les véritables auteurs du forfait. Long défie Lei
en combat singulier et, grâce à une perfide botte dans le maniement de
son fléau à trois bâtons, le défait. Alors qu'il n'y est pas contraint, Lei s'applique alors volontairement la sanction prononcée pour lui-même par Long en cas d'échec, l'amputation du bras droit et le retrait du monde des arts martiaux. Deux ans plus tard, Lei,
devenu un modeste employé de taverne malmené par la clientèle à cause
de son infirmité, rencontre incidemment le nouveau maître des sabres
jumeaux, Feng Jun-jie. Celui-ci est déterminé à résoudre une double affaire de vol dont le coupable semble être Chen Zhen-nan, le maître du "Manoir du tigre". Feng et Lei,
qu'il a identifié comme l'ancien meilleur bretteur avant lui,
deviennent progressivement amis. Le premier est bientôt invité à
participer à un tournoi organisé au manoir de Chang. Lei le met en garde sur ce qui pourrait bien être un piège et sur la complicité probable entre Long et Chang.
Après Wang Yu et Lo Lieh, Chang Cheh met en selle, dans ce film, son second couple d'acteurs fétiches, David Chiang et Ti Lung, ayant déjà fait une apparition dans le deuxième opus de la trilogie et, avant Sui woo juen, ayant partagé l'affiche du Bao biao du réalisateur. San duk bei do sort la même année que son concurrent direct Dop bey kuan wan, réalisé pour la Golden Harvest de Raymond Chow par Wang Yu, et Shin Zatôichi: Yabure! Tojin-ken
avec l'acteur qui a créé, trois ans plus tôt, le personnage du Sabreur
manchot. Ce qui frappe au visionnage du film, c'est son évidente
modernité. Visuellement d'abord, il y a une nette différence avec les œuvres précédentes, le champs est souvent plus large et la caméra plus
mobile notamment. Le rythme est également plus rapide, le script
laissant moins de place à l'étoffe de la psychologie des personnages. La
part féminine, déjà minoritaire chez Chang Cheh,
est ici réduite à la portion congrue au bénéfice de la courte mais
virile camaraderie des deux principaux protagonistes. Les deux acteurs,
amis dans la vie, sont d'ailleurs idéalement complémentaires, David Chiang en héros tourmenté et obscur et Ti Lung en courageux chevalier, solaire et totalement positif. David Chiang,
par son physique et son jeu, apporte aussi une complexité qui faisait
défaut chez son prédécesseur. Enfin, le compositeur du score, toujours
inspiré par les intonations bondiennes,
n'hésite pas, avec ses harmonies désaccordées qui semblent jouées sur
une instrument pour enfant et ses riffs de guitare électrique, à citer
son prestigieux collègue Morricone. ___ *il est vrai, un des rares wu xia pian classiques à avoir été diffusés en salles.
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