lundi 18 avril 2005

Brodeuses


"Les coucous, ils pondent leurs œufs dans le nid des autres."

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Le premier long métrage d'Eléonore Faucher est une double excellente surprise. L'ancienne élève de l'Ecole Louis Lumière nous propose, avec Brodeuses, une œuvre à la fois simple et profonde, piquante et belle. Le film est, comme l'évoque métaphoriquement son titre, le résultat d'un authentique travail d'artisane (le féminin, rare, du vocable s'impose ici), patient et maîtrisé, étonnant de maturité chez une si jeune cinéaste. C'est également l'occasion de voir, dans un rôle éminemment principal (le personnage est quasiment en permanence à l'écran), l'adolescente Lola Naymark, au charme si particulier. L'actrice, aperçue auparavant chez François Dupeyron, notamment dans Monsieur Ibrahim..., a, très justement, été sélectionnée pour son interprétation aux derniers "Césars" dans la catégorie "meilleur espoir féminin". Elle aurait, d'ailleurs, mérité de l'emporter. Brodeuses a reçu, pour sa part, le "Grand prix" de la Semaine Internationale de la critique à Cannes l'année dernière (ex aequo avec Mon trésor de Keren Yedaya) et a été désigné meilleur premier film par le Syndicat des critiques de cinéma.
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Claire est enceinte de cinq mois. A dix-sept ans, la jeune femme a quitté ses parents pour être indépendante. Elle travaille comme caissière dans un hypermarché d'Angoulême et consacre son temps libre à la broderie. Sa situation et celle du géniteur de son enfant ne lui permettent pas d'envisager autre chose qu'un accouchement sous X. Lorsque sa grossesse devient trop visible, elle prend un congé pour maladie et demande du travail à Mme Melikian, brodeuse à façon pour des maisons de haute couture. Celle-ci vient de perdre son fils, victime d'un accident de moto. Après s'être assuré de la qualité du travail de Claire, elle l'engage. Un matin, en arrivant dans la maison de son employeuse, elle trouve cette dernière sur le sol, inconsciente après une tentative de suicide. Les deux femmes vont, pendant et après l'hospitalisation de la plus âgée, nouer une relation affectueuse, sur un modèle presque filial.
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Sensible, délicat, Brodeuses est aussi séduisant parce qu'il repose sur un récit dont la trame est modeste, au sens distingué du terme, susceptible de toucher un large public. Eléonore Faucher, tout en soignant remarquablement l'esthétique de son film, se concentre sur l'essentiel, dans un mouvement narratif qui va de la fermeture vers l'épanouissement. Les thèmes fondamentaux de la vie, la mort, la filiation et l'amour sont développés avec simplicité et intelligence par la réalisatrice. Brodeuses est un humanisme, c'est à dire qu'il ne vise qu'à célébrer, à magnifier l'être. Et il y parvient sans forfanterie, seulement avec patience et art. Les deux actrices principales apportent une contribution significative à la réussite du film. Ariane Ascaride, tout en sévérité chaleureuse, est splendide. Lola Naymark illumine l'écran par sa flamboyante rousseur, bien sûr, mais aussi par la justesse, le naturel (en particulier dans le phrasé) et la délicatesse de son jeu. Elle possède, indiscutablement, l'étoffe d'une grande actrice.

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