dimanche 25 avril 2004

Shao Lin san shi liu fang (la 36e chambre de shaolin)


"Sous le toit d'un autre, on baisse la tête."

Les Shaw (Shao) Brothers sont intimement liés à l'histoire du cinéma de Hong-Kong. D'une famille originaire de Shanghai, c'est l'aîné des quatre frères, Zuiweng, qui, le premier, investit dans la production de films en fondant la Tianyi Film Company en 1925. Les deux plus jeunes, Renmei (en malais Runme) et Yifu (Run Run), partis en 1928 pour Singapour, importent les films de la Tianyi pour l'unique salle locale. L'influence de la fratrie croît sur tout le sud-est asiatique avec le développement des salles. Le cadet, Cunren (Runde), s'installe à Hong-Kong en 1934 et y impose le cinéma parlant cantonais. Il profitera des effets de la guerre civile de 1940 et du déplacement des capitaux de Shanghai vers la colonie britannique (heung gong, "Rade parfumée", en cantonais). Il fonde en 1950 la Shaw ans Sons Ltd. qui deviendra l'un des deux acteurs majeurs de la région avec sa concurrente Motion Picture & General Industry (MP And GI ).
Mais c'est Run Run qui, en créant en 1958 la Shaw Brothers, va bâtir l'empire Shaw, équivalent des majors hollywoodiens, avec son immense studio sur les terres de la Clearwater Bay, ses écoles de comédie, ses vastes magasins de costumes, et autres ateliers de développement et d'études. L'apogée fut atteinte au cours des années 1960 et 1970, sous la conduite de l'homophone Raymond Chow, son chef de production. Des œuvres comme Kingdom & The Beauty, premier film en couleur réalisé à Hong-Kong, des coproductions avec les japonais, L'Impératrice Yang Kwei Fei ou des blockbusters tel Dragon Gate Inn sont quelques titres qui ont marqué l'histoire du producteur. Mais c'est surtout avec les films d'arts martiaux que la réputation des Shaw Brothers a été forgée en Occident. La trilogie de Liu Chia-liang en est un superbe exemple.
En 1635, les tribus Jurgchen de Mongolie orientale conquièrent la Mandchourie, prennent le nom de Mandchous, s'emparent de Pékin, puis de l'empire des Ming, et fonde la dynastie Qing en 1944. Un jeune étudiant, Liu Yu-Te, et quelques uns de ses camarades partisans des Ming, rejoignent la résistance à l'occupation mandchoue. Mais leurs activités sont découvertes, entraînant le meurtre de leurs famille et amis. Liu, échappant à ses ennemis, est le seul à pouvoir rejoindre le temple de Shaolin dans le but d'y apprendre le kung fu. Les moines, d'abord réticents à apprendre leur art à un laïc, acceptent de lui faire passer les difficiles épreuves des 35 chambres qu'il réussira en cinq ans, un temps record. Rebaptisé San Te, promu n°3 du temple, il deviendra le maître de la 36e chambre, chargé de recruter de nouveaux combattants volontaires, après s'être vengé successivement du meurtrier de son père et du général mandchou.
Une grande réussite et un film à conseiller d'urgence aux amateurs du genre qui ne l'auraient déjà vu. Intelligent, preste, rythmé, doté d'une mise en scène inventive* et, surtout, d'une chorégraphie de combats, notamment avec armes, parmi les plus (apparemment) simples, efficaces et équilibrées de la production des films d'action. C'est, probablement la meilleure réalisation de Liu Chia-liang. Est-ce si étonnant lorsque l'on sait que le metteur en scène chinois est, lui-même, un pratiquant émérite du kung fu, directeur de combats et acteur ? Shao Lin san shih liu fang est une pièce incontournable à l'aune de laquelle on pourra juger tout ce qui a été tourné depuis dans le domaine des arts martiaux. Contemporain des productions avec Bruce Lee, le film possède une inspiration (et une aspiration) plus intéressante dans la mesure où il ne s'agit pas de donner un décor basique et des prétextes à combats, mais parce que le récit historique, lui-même, en est l'élément essentiel. De plus, et malgré l'estime que je porte à Bruce Lee, Chia Hui Liu, dit Brandon Liu, est un acteur qui présente l'avantage d'être, au moins, aussi charismatique et performant que son compatriote tout en étant plus modeste (au bon sens du terme) et sympathique à l'écran. Ses combats contre Hoi San Lee valent, à eux seuls, un visionnage du film. On comprend mieux, en regardant des oeuvres comme celle-là, une des raisons du dynamisme actuel du cinéma hong-kongais. Avec une telle ascendance, un tel héritage, les gènes du talent et de la qualité ont été transmis.
___
*même si on peut trouver kitsch certaines insistances un peu datées, les bruitages parfois peu réalistes et un sang visuellement peu crédible !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire