mercredi 21 avril 2004

Il Buono, il brutto, il cattivo (le bon, la brute et le truand )


"Quand on tire, on tire. On ne raconte pas sa vie !"

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Quatrième film (septième si l'on inclut les co-réalisations) et troisième western de Sergio Leone, Il Buono, il brutto, il cattivo clôt un cycle dans la filmographie du réalisateur et permet d'entrevoir ce que sera le suivant. Doté d'un budget de 1,3M$ (soit deux fois plus que Per qualche dollaro in più et six fois celui de Per un pugno di dollari), le film est narrativement et visuellement plus complexe que les précédents. Il est aussi beaucoup plus long. C'est, incontestablement, une des trois pièces maîtresses de Leone.
"Angel Eyes" Setenza (Lee Van Cleef), qui vient d'abattre, sur commandes, deux hommes, est à la recherche d'une forte somme d'argent volée par un soldat sudiste, Jackson qui se fait appeler à présent Bill Carson.
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Blondie (Clint Eastwood) et Tuco (Eli Wallach) sont associés (aux tempéraments contrastés) dans un jeu de chasse de primes pour lequel le premier joue le faux justicier et le second le vrai vilain. Après quelques opérations de ce type, et jugeant que son partenaire a atteint sa côte maximale, Blondie abandonne Tuco à pied et à bonne distance de la première ville. Celui-ci retrouve son ancien associé et, pour se venger, lui fait traverser à pied, sans eau ni protection, un désert impitoyable. Alors que Blondie est sur le point de mourir d'épuisement, de soif et de brûlures, les deux hommes croisent une diligence de l'armée confédérée dans laquelle se trouvent plusieurs cadavres de militaires. Parmi eux, Bill Carson, mourant, qui a tout juste le temps de dévoiler l'existence de son trésor à Tuco et l'emplacement exact à Blondie. De nouveaux réunis pour la circonstance et mettre la main sur le magot, les deux ex-associés ennemis vont croiser la route d'"Angel Eyes" sur fond de guerre de Sécession en phase terminale.
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Pendant les spasmes d'un changement de civilisation, les affaires continuent. Sergio Leone, qui a connu la guerre lorsqu'il était enfant, a tout de suite accepté l'idée de son scénariste, Luciano Vincenzoni (à qui on doit également le titre du film), de situer l'action sur toile de fond de guerre civile. Montrer l'absurdité d'un conflit tout en jouant sur le caractère relatif des qualificatifs du titre était, en effet, tentant. Nos héros sont incapables de comprendre les motivations de ces meurtres officiels et collectifs, eux qui ne poursuivent que leurs intérêts propres. Comme à son habitude, le réalisateur privilégie l'action même s'il prend, ici, son temps pour installer les personnages et densifier leurs relations. Il n'y a pas de scène particulièrement marquante dans Il Buono, il brutto, il cattivo (ou il n'y a que cela !). Le film est construit comme un ensemble homogène, sans coup d'éclat ni moment faible.
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On peut, néanmoins, citer la scène de l'hôtel, dans laquelle Blondie remonte son revolver pendant que les hommes de Tuco viennent l'exécuter en profitant du vacarme de la troupe dans la ville pour couvrir le bruit de leurs éperons. Celle du passage à tabac de Tuco sur fond musical. Ou, bien sûr, la scène pré-finale où les trois hommes vont s'affronter dans le cimetière. Certains passages ont, d'ailleurs, fait l'objet de coupures, selon les pays, au moment de la sortie en salles du film. La post-production, elle-même, dura huit mois. Face à des producteurs américains de la United Artists qui voulaient un montage qui ne dépasse pas deux heures, Sergio Leone a réussit à imposer une durée de deux heures quarante pour la version internationale (et presque trois heures dans sa version italienne)*. La version du DVD incorpore une scène (de la grotte) présente au cours de la première du film à Rome et supprimée pour la sortie nationale. L'artiste est, de toutes évidences, parvenu à une certaine maturité. Et son style est, à présent, singulier et se déploie, grâce à la coproduction internationale, dans un espace élargi qui lui convient parfaitement. La qualité du film et de la réalisation annonce ce que sera, deux ans plus tard, C'era una volta il West.
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Clint Eastwood tourne son troisième et dernier film avec le réalisateur. Il a même faillit ne pas apparaître puisqu'il avait initialement refusé le rôle, comme il le fera, mais sans revenir, cette fois, sur sa décision, pour C'era una volta il West. Amusant de penser qu'il joue dans le film le personnage qu'il "deviendra" dans les deux précédents opus. A moins que le pancho final ne soit qu'un clin d'œil. Lee Van Cleef, toujours efficace, change de chapeau par rapport à son personnage de Per qualche dollaro in più. Leone avait d'ailleurs hésité à lui confier le rôle de la "brute", le proposant, ainsi que celui du "vilain" à Charles Bronson qui les déclina. Gian Maria Volonté, acteur des deux précédents films, aurait dû être le "vilain" avant qu'Eli Wallach, dans un de ses meilleurs rôles, ne soit retenu. Ne cherchez pas les personnages féminins, il n'y en a pour ainsi dire pas dans cette fresque (bas-relief ?) masculine (misogyne ?). D'autant qu'une scène dans laquelle Blondie partage un moment agréable avec une jeune mexicaine n'a pas été conservée au montage final. Nous ne serions pas complets sans mentionner la partition (l'une des plus inspirées de la collaboration avec Leone) d'Ennio Morricone, notamment ses thèmes dits du "cri du coyote", du "go go diego" ou celui, très beau, qui accompagne la scène de "l'extase de l'or". Le score se marie idéalement avec l'esprit du film, les paysages espagnols et les personnages. Dès les dix premières minutes (sans un mot de dialogue !), on ne peut s'empêcher de "jouir" (à nouveau) littéralement du spectacle. Et le plaisir dure près de trois heures. Qui dit mieux ?
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*161' et 177'43, pour être précis.

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