jeudi 29 janvier 2004

God's Little Acre (le petit arpent du bon Dieu)


"Je cherchais de l'or au lieu de surveiller mes fils."

Etrange film que ce God's Little Acre ! Comédie qui tourne au drame ou drame qui se prend pour une comédie ? Entre deux de ses westerns, un an après Men in War, et alors que sa carrière allait bientôt connaître un sérieux ralentissement, Anthony Mann tourne ce film tiré du best-seller controversé de Erskine Caldwell paru au début des années 1930. Auteur contemporain des Faulkner, Fitzgerald, Hemingway, Steinbeck et Wolfe, son Tobacco Road avait déjà été adapté au cinéma par John Ford en 1941. Comme à son habitude, il plantait le décor de son récit dans sa Georgie natale.
Ty Ty est un fermier veuf qui, plutôt que de planter du coton ou des céréales, creuse son terrain, véritable champs de taupinières géantes, pour y trouver l'or caché de son grand-père. Ses fils Buck et Shaw l'aident, un peu malgré eux, dans sa quête. Son autre fils avec lequel il est en froid, Jim Leslie, a fait un riche mariage avec une veuve. Il habite en ville, comme sa sœur, Rosamund mariée à Bill Thompson, un ouvrier au chômage. La plus jeune fille de Ty Ty, Darlin' Jill, est une baby doll peu farouche convoitée par Pluto, le ventripotent candidat-shérif de la ville. Après avoir cru localiser le lieu de la cachette du trésor grâce aux prétendus pouvoirs d'un albinos, et dû, pour cela, déplacer le petit arpent de Dieu (périmètre dont les produits sont consacrés au Créateur), notre terrassier fait venir sa fille Rosamund et son mari pour l'aider, ce qui va avoir pour conséquence essentielle de réactiver les sentiments de Bill pour la femme de Buck, la belle Griselda, qu'il a faillit épouser et la jalousie maladive de son beau-frère. A cours de ressources, Ty Ty se résout à emprunter de l'argent à Jim Leslie. Bill, de retour chez lui, décide, malgré l'illégalité et, par conséquent, du danger, de tenir sa promesse de réactiver l'usine de filature qui l'employait. La suite dramatique de cette action, après avoir déchiré la famille et notamment opposé les fils et le père, permettra un départ sur de nouvelles bases.
Etrange, on l'a dit, en particulier dans la filmographie d'Anthony Mann. On le sait, le réalisateur, qui n'est pas né en Georgie mais en Californie, a débuté sa carrière en tournant des comédies, parfois musicales, mais la suite ne nous avait pas permis d'envisager un tel film, pris entre The Tin Star et Man of the West (dans lequel, il est vrai, figure Jack Lord, présent également ici). On aurait davantage imaginé une telle histoire mise en scène par son aîné Frank Capra. Mais, les premiers étonnements passés, on se rend compte qu'Anthony Mann, un cinéaste qui sait raconter une histoire de manière simple et claire, de mettre en relief, de manière unique, l'humanité de ses personnages et soigner le décor (encore en noir et blanc) de son action, était parfaitement en mesure de créer, dans un récit comme celui-là, à la fois dérisoire et dramatique, un souffle pathétique et spirituel.
God's Little Acre est une réflexion intéressante sur l'utopie (les deux personnages principaux sont des utopistes) et sur l'amour. Il semble, en regardant le film (mais l'abondante littérature qui développe ce thème le confirme), que l'utopie soit essentiellement masculine. L'amour d'une femme aurait pu sauver l'un des deux protagonistes, la préservation de l'amour filial et de l'harmonie familiale a réussit à sauver l'autre.
Aucun des acteurs de ce drame familial n'est faible. Bien sûr Robert Ryan fait une composition étonnante dans ce personnage à mi chemin entre Capra et le Steinbeckfordien. Buddy Hackett, dans un rôle ingrat, est très intéressant aussi, peut-être plus qu'Aldo Ray, l'autre grand personnage dramatique du film. Enfin, le trio de femmes, emmené par Tina Louise, est déterminant dans la densification du récit. De son côté, Bernstein ne se contente pas de composer du gospel et réalise un joli et subtil score, notamment dans la scène qui précède l'intrusion dans l'usine. 

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