vendredi 17 avril 2015

L'Amant de Lady Chatterley

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"... Au milieu de tes domestiques et des invités, tu t'effarais là-bas qu'on avait pu te dire tu."

Scandaleux ou simple illustration d'un "sujet intime et délicat"? La question ne se posait alors pas vraiment en ces termes lors de la publication, en juin 1928, du roman "Lady Chatterley's Lover" de l'artiste anglais David Herbert Lawrence. Pour mémoire, le livre parut initialement à Florence (Italie) ; seulement à titre posthume (en 1932 dans une version expurgée2 puis en 1960) au Royaume-Uni, qualifié d'obscène et soumis pour cette raison au nouvel amendement (1959) à la loi grâce auquel un éditeur pouvait mettre en avant la valeur littéraire d'un ouvrage réputé immoral ou indécent. Traditionnellement moins puritaine que sa royale voisine ou plus attachée à la libre pensée, la France traduisait dès 1932 le "sulfureux" récit lawrencien. Il n'était donc pas étonnant d'y voir sortir sa première adaptation filmique, cinquième et dernière production du journaliste et théoricien du cinéma Gilbert Cohen-Seat3.
Tiré par  du scénario de la pièce (non montée car les droits n'ayant pas été obtenus) co-écrite par Philippe de Rothschild et L'Amant de Lady Chatterley transpose l'intrigue après la Seconde Guerre mondiale et n'en reprend ni son explicité souvent triviale, ni certains des contours narratifs. La particularité du roman de Lawrence, le singularisant du flaubertien "Madame Bovary" ou du tolstoien "Anna Karénine" (autres œuvres significatives de la passion adultère), c'est bien sûr la relation (amalgame, confusion) socialement "déclassée" entretenue par les deux personnages du titre. Mais aussi le thème de la tentative avortée de dissocier l'intellect et le corps, l'amour et la sexualité, préalable nécessaire mais contingent au pari risqué engagé par l'aristocratique et infirme époux de Constance. L'expression dilemmatique de cette déchirure morale et physique constitue sans doute l'un des principaux défauts du film. Le compromis, essentiel, entre attirance et altérité se perdant notamment dans de bien ronflantes tirades.
Le choix de 4 pour incarner Lady Chatterley suscite également la perplexité. Un peu à l'image du script et de la réalisation d', son interprétation manque en effet sensiblement de conviction et de nuance. Des faiblesses dont ne souffre pas son partenaire 5 dont le personnage est, il est vrai, plus monolithique, catégorique comme l'est aussi, sur un mode opposé, Sir Clifford tenu par l'Anglais 6. Aucun des seconds rôles (parmi lesquels  et  dans de simples apparitions) ne parvient réellement à se distinguer. D'abord interdit d'exploitation aux Etats-Unis (décision ensuite infirmée par la Court suprême)L'Amant de Lady Chatterley n'est définitivement pas l'adaptation de référence7 du "réputé" roman de D.H. Lawrence.
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1. voir première affiche en galerie photos.
2. le texte a connu trois versions successives :  "Lady Chatterley", "John Thomas and Lady Jane" puis "Lady Chatterley's Lover".
3. auteur, entre autres, de l'austère "Essai sur les principes d'une philosophie du cinéma" (1946) et déjà partenaire d' pour Futures vedettes, adaptation du roman à l'eau de rose "Eingang zur Bühne" (1920) de la Viennoise Hedwig 'Vicki' Baum.
4. davantage convaincante dans le registre plus léger d'Un Drôle de dimanche (1958), son second film sous la direction de .
5. l'Italien né à Bizerte (Tunisie) avait surtout tourné en France au début de sa carrière, en particulier auprès de , avant d'y revenir, sept ans plus tard, pour cette nouvelle occasion... malgré sa latinité !
6. acteur, juriste de formation, vu notamment chez LitvakHuston ou Rossellini, titulaire du rôle de Petronius dans Quo Vadis.
7. statut que pourrait endosser la version (2006) de  ou la plutôt réussie série télévisée (BBC, juin 1993) en quatre épisodes de Ken Russell (auquel on doit aussi les lawrenciens Women in Love et The Rainbow), mais pas celle (1981) de Just Jaeckin.






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