Malgré ma longue et profonde estime pour James Stewart, je n'avais jusque-là pas encore vu ce troisième des quatre films* de l'acteur réalisés par Andrew V. McLaglen. Probablement par crainte d'une déconvenue. Si le souvenir des meilleurs westerns (ils sont assez nombreux) tournés par Stewart reste trop vivace, alors Bravados! ne peut en effet que provoquer la déception. L'histoire imaginée par Stanley Hough**, énième récit d'une traque de bandits en fuite avec prise d'otage à l'exemple de The Bravados d'Henry King, n'échappe justement à la banalité que grâce au personnage tenu par James Stewart. Ancien soldat de l'Union bien déterminé (jusqu'au braquage de banque, une des très rares transgressions commises dans la carrière de Jimmy) à sauver son frère, d'abord de la mort puis de ses errances criminelles.
Difficile de trouver d'autres réels arguments à l'appui de ce film produit par Robert L. Jacks(The Proud Ones) pour la Fox, à l'exception du rythme adopté d'emblée par McLaglen et maintenu peu ou prou pendant la durée du métrage. Les co-vedettes Dean Martin, Raquel Welch et George Kennedy ou la première apparition à l'écran de l'ex-inspecteur Rudy Diaz ne peuvent pas raisonnablement être considérés comme des atouts déterminants. Il faudrait donc faire preuve d'un certain courage pour se lancer dans un second visionnage.
N.B. : la dernière partie a été tournée à Alamo Village (Texas), décor créé pour la production de The Alamo (1960) de et avec John Wayne.
"Well, I... I don't know how to answer you, except to say that I teach
you truths. My truths. Yeah, and it is kinda scary, dealing with the
truth. Scary, and dangerous..."
Sympathique représentant d'une thématique régulièrement développée au cinéma depuis au moins le milieu des années 19501, To Sir, with Love laisse néanmoins au final une impression mitigée. Ecrit, produit au Royaume-Uni pour la Columbia et réalisé par James Clavell2, ce drame britannique transpose dans le "Swinging London des 60's" le récit en partie autobiographique3 du Guyanais britannique E.R. Braithwaite édité en 1959 dans l'ouvrage éponyme. L'histoire d'un ingénieur qui, faute de trouver un emploi dans sa branche, se voit confier, en remplacement d'un enseignant démissionnaire et malgré sa totale inexpérience, une classe de Terminale dans un lycée pour élèves difficiles... et y trouve une vocation.
S'il aborde certains problèmes éducatifs et sociaux toujours actuels (familles décomposées, dénuement économique et culturel, insolence et provocation, négligence dans le comportement et le langage, racisme quotidien...), le scénario demeure trop dans une relative superficialité, tant sur le plan des idées véhiculées que sur celui des personnages (le principal, Mark Thackeray, compris) de leurs relations. L'évident laxisme de la réalisation, il est vrai assez courant en cette fin de décennie perturbée et/ou agitée, indispose un peu aussi ; au point de se demander si les efforts de Clavell dans ce domaine n'auraient pas été mobilisés pour les trois "typiques" scènes dansées. Placé sous la houlette d'un Sidney Poitier4 assez monolithique, le casting de jeunes (Christian Roberts, Judy Geeson5, Patricia Routledge, Chris Chittell... tous quasi débutants au cinéma) distrait à défaut de vraiment emballer. Suzy Kendall6et Faith Brook se font enfin fugitivement remarquer parmi les adultes. N.B. : le film a fait l'objet d'une suite tardive (1996) réalisée pour la télévision par Peter Bogdanovich (dans lequel Sidney Poitier, enThackeray retraité à Chicago,Lulu et Judy Geeson reprennent leur rôle) et de deux remakes, un téléfilm (1974) de Jay Sandrichavec Hari Rhodes et une production égyptienne (2008). ___ 1. avec le désormais classique Blackboard Jungle de Richard Brooks (dans lequel Sidney Poitier tenait le rôle du meneur des élèves délinquants), défricheur d'une filière où l'ont notamment suivi Le Naïf aux quarante enfants (1957), Up the Down Staircase (1967), Dead Poets Society (1989), Lean on Me (1989), Dangerous Minds (1995), Half Nelson (2006), Precious (2009), Detachment (2011) ou encore Monsieur Lazhar (2001). 2. troisième film pour le cinéma du Britannique natif australien installé aux Etats-Unis, écrivain (Shogun) surtout connu pour avoir co-adapté The Great Escape (1963). 3. qui se situait à la fin de la Seconde Guerre mondiale. 4. plus consistant dans In the Heat of the Night de Norman Jewison sorti quelques mois plus tard. 5. titulaire du rôle de la voisine du serial killer Christie dans 10 Rillington Place (1971) de Richard Fleischer. 6. aperçue dans Thunderball avant de tourner en Italie, entre autres avec Alberto Lattuada et Dario Argento.
"... Sur la petite écrevisse qui sauva le brahmane."
S'il ne devait être jugé qu'à l'aune du seul récit, le sixième film du Polonais Jerzy Kawalerowicz ne mériterait pas que l'on s'y attarde longtemps. Ecrit avec son compatriote Jerzy Lutowski(première contribution pour le cinéma et unique collaboration avec le cinéaste), le scénario relate en effet moins une intrigue mi-criminelle mi-sentimentale* qu'il n'installe un "contexte" dans lequel va pouvoir s'exprimer le manifeste talent photo-graphique de Kawalerowicz associé pour la première fois** au chef-op. Jan Laskowski. Considérer Pociag comme un exercice de style devient donc assez vite une évidence. Tout laisse à penser que la réalisation (dans un environnement aux contraintes très spécifiques), notamment ses aspects visuels, a préalablement fait l'objet d'une réflexion sérieuse avant d'être mise en œuvre avec un soin attentif au moment du tournage. Sur ce plan, le film constitue une remarquable réussite, expliquant sans doute la cote d'estime qu'il connait encore aujourd'hui. Les acteurs qui animent l'étonnante galerie de personnages, emmenés par le solide et expressif trio composé de Lucyna Winnicka(qui tiendra le rôle-titre dans Matka Joanna od aniolów du même Kawalerowicz), Leon Niemczyk etTeresa Szmigielówna(vue ensuite à deux reprises chez Andrzej Wajda) contribuent également à l'intérêt de Pociag. Des atouts qu'a pertinemment souligné le jury de la 20e Mostra(une des cinq mentions spéciales était faite à Lucyna Winnicka, Kawalerowicz recevant lui une récompense exceptionnelle pour "compétences techniques"). ___ *rupture, séduction et confession entre quatre passagers (qui vont rester des inconnus !) d'un train de nuit reliant Łódź à Hel dans lequel a pris place un assassin de son épouse recherché par la police. **la seconde sur Gra dix ans plus tard.
"... And when a man can feel sorry for what he's done, he can change..." Attachant et/car très singulier, The Naked Dawn reste aujourd'hui encore l'un des plus appréciés de la disparate cinquantaine de films réalisés entre 1930 et 1964 par Edgar G. Ulmer1. Improprement classé parmi les westerns, il tient en réalité davantage du drame moral, rapidement surprenant en raison de la sensibilité exacerbée et expressive des personnages principaux (assez analogues à ceux du romantisme littéraire ou du mélodrame). Ecrit par Julian Zimet2, le scénario croise à partir d'un matériau narratif peu étoffé les thèmes de la corruption et du remords, de l'aliénation (surtout matérialiste) et de l'indépendance (relative). Deux malfaiteurs dérobent dans un train des caisses contenant des montres bracelet et parviennent à s'enfuir. Vincente, blessé par le surveillant de voie, décède en chemin, soutenu et réconforté jusqu'à la fin par son complice Santiago. Après avoir dissimulé le butin, ce dernier arrive dans la modeste ferme de Manuel, dont il vient de rencontrer l'épouse Maria à un proche point d'eau. Contre une généreuse rémunération, le jeune homme accepte de le conduire, à bord de son vieux pick-up, en ville où Santiago doit livrer le produit de son larcin à l'expéditeur de la marchandise qui l'avait engagé pour commettre le vol.
La perturbation des trois figures centrales et leurs réactions constituent le motif essentiel de ce récit bref et sommaire aux décors totalement subsidiaires. Une surprenante affinité s'établit aussitôt entre Santiago et Manuel. Peut-être parce que celui-ci symbolise le petit propriétaire terrien que son aîné aurait pu être si les révolutions mexicaines auxquelles il a participé ne l'avaient pas finalement trahi. Ancienne désillusion susceptible d'ailleurs d'expliquer le brigandage qu'il pratique, son détachement presque poétique à l'égard de toutes possessions, notamment son extravagante, spectaculaire prodigalité. On relève aussi chez les trois protagonistes du film un étrange et régulier mouvement de bascule entre transgression et repentir, entre enthousiasme et scepticisme. Tourné en dix jours, le deuxième film produit par Josef Shaftel séduit moins en terme de réalisation. Associé au cinématographe (de télévision, comme la plupart des équipes de production)Frederick Gately, Ulmer ne semble s'intéresser aux aspects formels qu'en de trop rares occasions. La bande originale d'Herschel Burke Gilbert(élève de Leonard Bernstein et collaborateur de Fritz Lang à la même époque)(d)étonne également par ses inflexions parfois décalées. Enfin, The Naked Dawn doit beaucoup à l'épatante prestation d'Arthur Kennedy3, fort bien soutenu par les méconnus Betta St. John et Eugene Iglesias4. ___ 1. la carrière du natif austro-hongrois avait débuté dans l'Allemagne des années 1920, d'abord en tant que décorateur puis comme assistant-réalisateur. 2. initialement sous noms d'emprunt car blacklisté depuis la fin des 40's. Zimet a révélé s'être vaguement inspiré de la nouvelle "Chelkash" (1895) de l'auteur russe Maxime Gorki. 3. nommé cinq fois aux Academy Awards (dont une citation pour un rôle principal), acteur secondaire dans High Sierra, The Desperate Hours et Elmer Gantry mais aussi partenaire de James Stewart dans deux authentiques westerns dirigés par Anthony Mann. 3. le Portoricain avait néanmoins été remarqué, dès sa première apparition au cinéma, dans The Brave Bulls (1951) de Robert Rossen (film dans lequel on pouvait déjà voir Charlita, également fille de bar - non créditée - dans le Rancho Notorious de Lang).