dimanche 4 octobre 2015

Quai des Orfèvres

******
"... La seule chose qui peut me sauver c'est qu'on arrête le vrai coupable."

Exclu temporairement de la profession1 après la Libération,  fait son retour sur les plateaux de tournage avec cette libre adaptation2écrite avec Jean Ferry3, du roman "Légitime défense" (1942) de l'écrivain-illustrateur belge 4. Drame criminel (présumément de la jalousie), Quai des Orfèvres ne bascule que tardivement dans le genre policier5 ; les célèbres locaux de la police judiciaire sur l'île de la Cité deviennent alors le décor principal du script. Chanteuse de cabaret, Marguerite Martineau dite 'Jenny Lamour' n'hésite pas à se montrer engageante lorsqu'il s'agit de promouvoir sa carrière. Cette nature avenante provoque régulièrement la colère de Maurice, son époux et accompagnateur qu'elle aime pourtant follement. Il obtient ainsi qu'elle renonce à un rendez-vous à déjeuner fixé par le vieil et lubrique homme d'affaires Georges Grignon ; Maurice se rend toutefois au restaurant où il profère devant témoins des menaces explicites. Un soir, alors que Marguerite prétend être allée à Enghien rendre visite à sa grand-mère malade, Maurice trouve incidemment un bout de journal sur lequel est notée à la main une adresse du quartier de Passy. Ayant fait rapidement le rapprochement avec celle de Grignon, il s'arme de son revolver, s'arrête dans une salle de spectacles où le patron et le personnel pourront lui servir d'alibis, la quitte discrètement par l'entrée des artistes et se rend chez son supposé rival. La porte de maison étant ouverte, il pénètre à l'intérieur et découvre le cadavre de Grignon gisant au sol à proximité de débris de table et de vaisselle. Au moment où il regagne la rue à l'extrémité de la Villa St-Marceau, Maurice a juste le temps de voir un inconnu lui dérober son automobile.
Dans le roman de , l'artiste-peintre Noël Martin assassine effectivement le mécène Judas Weyl qu'il soupçonne d'être l'amant de sa femme Belle. La différence introduite dans l'intrigue du film s'avère donc considérable6 a en effet préféré la faire reposer sur un dilemme, alliant suspicion et culpabilité, à l'intérieur du couple. Et cela fonctionne fort bien jusqu'à son terme. La représentation du Paris populaire de l'après-guerre, en particulier du petit monde du music-hall donne un plaisant cachet au film. L'ambivalence psychologique de l'inspecteur de police chargé de l'enquête criminelle, père d'un jeune écolier de mère africaine, celle plus subtile de la photographe et "drôle de fille" Dora Monnier constituent également d'intéressants éléments de fixation développés par le scénario. Dans le premier de ses trois films7 dirigés par , l'incomparable 8 partage à parité la vedette avec  et 9, tous deux très bons. Un équilibre dont Quai des Orfèvres profite assurément. En léger retrait,  interprète néanmoins avec solidité et élégance un personnage au flegme et à la rationalité contrastant fortement avec les précédents. 10 et  tiennent quelques uns des seconds rôles.  a enfin reçu, grâce à ce film, le "Prix international de la réalisation" (première récompense obtenue par le cinéaste) décerné par la 8e Mostra.
___
1. en raison de la polémique suscitée par Le Corbeau (1943), précédent film de  resté en France sous l'occupation et collaborateur de la Continental-Films, société de production de droit français à capitaux allemands fondée en 1940 par le ministre de la propagande du gouvernement nazi.
2. car écrite à partir du souvenir de lecture, l'ouvrage étant alors épuisé.
3. avec lequel  adaptera Manon deux ans plus tard.
4. auteur du Dernier des six (1941) adapté par  à partir d'un scénario co-écrit par  mais aussi de L'Assassin habite... au 21 édité en 1939 et porté à l'écran par celui-ci en 1942.
5. après un peu plus d'une demi-heure de métrage, moment où apparaît l'inspecteur-chef adjoint Antoine.
6. le doute sur l'identité de la femme aperçue à l'intérieur de la demeure du tué tenait lieu de ressort narratif dans l'ouvrage.
7. suivi du collectif Retour à la vie (1949) et de la comédie Miquette et sa mère (1950). En 1938, avait signé l'adaptation d'Education de prince réalisé par Alexander Esway dans laquelle  tenait le rôle de René Cercleux.
8.  avait déjà croisé  dans Entrée des artistes et Hôtel du Nord sortis en 1938. Il avait été e partenaire de  dans le récent Copie conforme (1947) et le sera à nouveau dans Lady Paname (1950).
9. qui était encore la compagne du réalisateur.  a rencontré sur le tournage sa future épouse, la Brésilienne  alors mariée à  (membre de la troupe de  et titulaire du rôle de l'inspecteur Marchetti dans le film).
10. dans un personnage très similaire à celui de l'inspecteur Dupuy de la série télévisée Les Cinq dernières minutes lancée en janvier 1958 sur la R.T.F.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire