mercredi 21 octobre 2015

Mr. Deeds Goes to Town (l'extravagant mr deeds)

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"... He could never fit in with our distorted viewpoint, because he's honest and sincere and good."

Ce film marque un véritable tournant dans la carrière de . Formé à l'école de la comédie auprès successivement d'Hal Roach, de Mack Sennett et d'Harry Langdon, le natif sicilien arrivé très jeune aux Etats-Unis1 souhaite pourtant, depuis son engagement en 1928 à la Columbia, produire des drames. La plupart de ses première tentatives2 sont des échecs. A l'inverse, la comédie romantique It Happened One Night reçoit un inattendu accueil de la part du public mais aussi de la profession (première production récompensée par les cinq principaux "Oscars" dont celui du meilleur réalisateur tant convoité). Contraint (Ronald Colman étant retenu par le tournage d'Under Two Flags) de différer l'ambitieuse et couteuse adaptation de Lost Horizon initie un autre projet. Il charge 3 de lui proposer un scénario tiré du roman "Opera Hat" publié, entre avril et septembre 1935, par  dans "The American Magazine".  apporte de nombreuses modifications au récit ; développant surtout les diverses conséquences de l'héritage, il gomme l'intrigue criminelle et introduit le personnage de la journaliste.
Le cabinet d'avocats chargé de la succession du financier et mécène Martin W. Semple, décédé dans un accident d'automobile en Italie, trouve après d'après recherches l'héritier désigné par le défunt, son neveu Longfellow Deeds. Poète, écrivain public, joueur de tuba au sein de l'orchestre municipal et capitaine des pompiers volontaires de la petite ville reculée nommée Mandrake Falls, Deeds apprend sans apparente émotion l'annonce de cet important héritage estimé à une vingtaine de millions de dollars. Il accepte à contrecœur d'accompagner l'avocat John Cedar et Cornelius Cobb, chargé des relations avec la presse de Semple, à New York afin d'y régler les affaires en cours. Celui-là souhaite aussi profiter de la naïveté et de la méconnaissance des affaires du jeune homme pour obtenir une procuration identique à celle donnée par Semple, laquelle lui permettait jusque-là de dissimuler ses irrégularités comptables. Le méfiant bon sens de Deeds contrarie au moins provisoirement cet espoir comme celui formé par les administrateurs de l'opéra, dont le conseil était présidé par Semple, de voir le déficit de leur théâtre comblé par l'héritier. Le soir même, Deeds tombe dans le piège romanesque astucieusement tendu par la journaliste Louise 'Babe' Bennett lui assurant matière exclusive à des articles railleurs (Deeds y est surnommé 'Cinderella Man') dont son rédacteur en chef sait le public très friand.
 ne sait pas encore qu'il vient, avec Mr. Deeds Goes to Town4, de trouver la recette grâce à laquelle il va accéder à une notoriété qu'il a toujours ambitionnée et gagner l'immuable estime de trois générations de cinéphiles. L'enfant de fruticulteur défriche en effet un champ filmique à la fois spécifique (national), représentatif de l'époque (la Grande dépression) et universel, intemporel. En greffant des préoccupations sociales sur la classique comédie romantique, le cinéaste  entame un (paradoxal5) apostolat, celui d'un monde idéalisé où les vertus peuvent enfin être reconnues et louées. Version féminine du Peter Warne6 d'It Happened One NightLouise 'Babe' Bennett se repent de son intéressée duplicité initiale, en servant de vecteur essentiel à cette prise de conscience. L'une des réussites du talentueux  (influencé par le penseur et poète Henry David Thoreau) aura été de repenser le concept  de "country boy out-slicks city slickers" pour aboutir à un personnage de Longfellow Deeds certes singulier mais non caricatural. Difficile d'imaginer un autre acteur que  (prêté par la Paramount) pour tenir ce rôle et mettre en valeur les fines nuances qu'il recèle. Son interprétation lui valut d'ailleurs la première de ses six nominations aux Academy Awards. Après l'avoir fait vis-à-vis d'Harry Cohn nous convainc également du choix de sa partenaire, 7 à la voix si particulière. L'évidente complicité entre les deux acteurs, efficacement soutenus par  et , constitue avec la photographie de Joseph Walker deux des atouts significatifs du film. Quatrième et dernier film de  en compétition à Venise, Mr. Deeds Goes to Town permit au réalisateur d'obtenir le deuxième de ses trois "Oscar" (en cinq ans) de la catégorie.

N.B. :
Mr. Deeds Goes to Town serait le premier film pour lequel Harry Cohn aurait autorisé  à voir son nom figurer sur l'affiche au-dessus du titre et des vedettes,
- il a été interdit de diffusion en Allemagne en raison de "la participation d'acteurs non-aryens",
Mr. Smith Goes to Washington avait été conçu initialement comme une suite de Mr. Deeds...,
- il a donné lieu à cinq versions ultérieures, trois turques (Halk çocugu et Anadolu çocugu en 1964, Çarikli Milyoner en 1983), une série télévisée de dix-sept épisodes diffusée entre septembre 1969 et début 1970 sur ABC (avec  dans le rôle-titre) et le médiocre Mr. Deeds réalisé en 2002 par  pour la Columbia avec  et .
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1. quelques jours après son sixième anniversaire pour y rejoindre, avec ses parents, son frère aîné Benjamin.
2. The Way of the Strong (1928), The Miracle Woman (1931) et Forbidden (1932).
3. régulier scénariste de  entre 1931 et 1941, occasionnel à partir de 1950, soit douze collaborations de The Miracle Woman à Here Comes the Groom (Pocketful of Miracles n'étant rien d'autre qu'un remake de Lady for a Day), Mr. Deeds Goes to Town, la septième d'entre elles, donna l'occasion à  d'introduire le néologisme "doodle" (gribouiller).
4. titre trouvé par Fanya Graham Carter dans le cadre d'un concours ouvert aux employés du département publicité de la Columbia et doté d'une prime de cinquante dollars (une fortune en cette époque de profonde crise).
5. malgré ses modestes origines paysannes,  a depuis pris rapidement goût à l'aisance financière apportée par les juteux contrats signés pour lui par Harry Cohn, le patron de la Columbia, studio récemment fondé qui lui doit, il est vrai, une bonne part de sa réussite. Le cinéaste appréciait moins, semble-t-il, la politique de relance menée alors par le président démocrate Roosevelt.
6. figure que  utilisera à nouveau pour You Can't Run Away from It dirigé en 1956 par .
7. engagée pour tenir le rôle de Louise Bennett, Carole Lombard y a renoncé (pour celui d'Irène Bullock dans My Man Godfrey) trois jours avant le début du tournage. Son remplacement par  ne suscite aucun regret. Découverte au début des années 1920 puis lancée par John Ford, l'actrice aux qualités louées par George Stevens et James Stewart (avec lequel elle partage l'affiche de You Can't Take It With You et Mr. Smith Goes to Washington) deviendra en trois films "l'actrice favorite" de . Dirigé une seconde fois par le réalisateur dans Meet John Doe (1941),  (apparu sans crédit dans le muet The Drug Store Cowboy pour lequel  tenait l'un de ses premiers rôles, désigné ensuite vedette masculine préférée par celle-ci) tenait un peu plus tard la même année le rôle du marshal Wild Bill Hickok aux côtés de  en Calamity Jane dans The Plainsman produit par la Paramount.







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