vendredi 27 août 2010

The Trail of the Lonesome Pine (la fille du bois maudit)


"Horse get out of the barn and now you want to lock the door."

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Laissé à l'ombre des précédents The Lives of a Bengal Lancer et Peter Ibbetson, ce quinzième film d'Henry Hathaway ne manque pourtant d'arguments. Cette quatrième et actuelle dernière version(1) du roman éponyme à succès du journaliste et écrivain John Fox Jr. publié en 1908 dispose d'un matériau narratif intéressant et solide, dans lequel une rivalité ancestrale (que l'on retrouve dans Kentucky de David Butler ou le plus tardif The Big Country de William Wyler) ne constitue qu'un des ressorts dramatiques. Ensuite, The Trail of the Lonesome Pine, première production en Technicolor trichrome(2) tournée on location (et, à ce titre, "spécialement recommandé" lors de la 4e édition de la Mostra de Venise) réunit un casting inédit, efficace et séduisant.
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Dans une région reculée et escarpée, les familles de fermiers Tolliver et Falin se vouent une haine meurtrière depuis plusieurs générations. David Tolliver, élevé par son oncle Judd et sa tante Melissa, a d'ailleurs été grièvement blessé à l'épaule par un des fils de Buck Falin. Dave doit épouser sa cousine June qui préfère repousser au printemps la date de leurs noces. La jeune femme un peu sauvageonne vient en effet de rencontrer incidemment Jack Hale, mandaté par l'entreprise Alton Coal Mines pour évaluer le site, négocier avec les propriétaires des terrains et engager des travaux d'installation de la voie ferrée. La sœur aînée de Buddie et celui-ci sont rapidement conquis, pour des raisons différentes, par l'éducation, l'amabilité et la dissemblance de ce citadin. Hale, grâce aux soins duquel Dave a évité le développement de la gangrène de son bras, obtient la signature de contrats d'exploitation d'un gisement de charbon trouvé sur les terres des Tolliver et de parcelles appartenant aux clans antagonistes que traversera le train. Le premier chèque de cinq mille dollars reçus par Judd déclenche l'enthousiasme et des projets d'acquisitions. Mais contre l'avis de son père et sans consulter Dave, June suit le conseil de Hale et décide d'aller en ville pour y être instruite.
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Les superbes paysages forestiers et montagneux de San Bernardino (Californie), magnifiés par le nouveau procédé cinématographique mis en œuvre, qui servent de décors à The Trail of the Lonesome Pine, impressionnent d'emblée. Puis, les conséquences de cette absurde vendetta, honnie d'abord secrètement dans le prologue puis ouvertement par Melissa, retiennent l'attention du spectateur juste avant l'apparition d'un nouvel élément d'abord perturbateur. Le scénario de ce premier film(3) d'Henry Hathaway produit par Walter Wanger (Queen Christina, Scarlet Street), co-signé notamment par Grover Jones, reprend, en le remaniant légèrement, le thème romanesque originel. Celui de l'immixtion de la civilisation et de la modernité dans un environnement sauvage, violent, sans autre loi que celle du talion. Il oppose aussi l'illettrisme (l'inculture en milieu paysan) et la brutalité à la science et à la courtoisie, provoquant cette classique attirance des contraires, cause de la formation d'un spontané et équivoque triangle amoureux. Toujours opérante et distinguée, la réalisation d'Hathaway apporte un relief significatif au récit. Sylvia Sidney, à l'affiche de Fury la même année, incarne avec conviction son personnage instinctif, tiraillé entre tradition et émancipation symbolisés par Henry Fonda, au début de sa formidable carrière, et Fred MacMurray (qui se croiseront à nouveau, plus de quarante ans après, dans The Swarm). Il faut enfin noter les prestations des seconds rôles Fred Stone (Alice Adams, The Westerner), de Beulah Bondi, remarquée chez Frank Capra, du jeune George McFarland connu pour son récurrent rôle de 'Spanky' et du musicien Fuzzy Knight (qui retrouvera Fred MacMurray et Beulah Bondi dans Remember the Night).
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1. parmi lesquelles celle muette et moins fidèle produite par Cecil B. DeMille en 1916.
2. technique utilisée en studio, peu auparavant, pour Becky Sharp de Rouben Mamoulian.
3. le second étant Sundown avec Gene Tierney, Bruce Cabot et George Sanders.

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