"Hermanitas de sangre?"
Retour aux fondamentaux, à double titre, pour Agustín Díaz Yanes. Après son adaptation de la saga littéraire Alatriste d'Arturo Pérez-Reverte avec Viggo Mortensen dans le rôle-titre, le cinéaste revient au drame contemporain et apporte un prolongement à son premier long métrage, Nadie hablará de nosotras cuando hayamos muerto récompensé en 1996 par deux "Goya"(1). Produit notamment par(2) José Manuel Lorenzo (Un Franco, 14 pesetas) et Eduardo Campoy (La Niña de tus ojos) avec lesquels l'ancien assistant de Pedro Almodóvar(3) avait collaboré pour Sin noticias de Dios, Sólo quiero caminar est un polar thrillisant solide à défaut d'être le meilleur film de 'Tano'. Nommé dans onze catégories de la 23e cérémonie de l'AACCE(4), ce quatrième film réunissant pour la première fois la Madrilène Victoria Abril et le "Chicano" Diego Luna n'a recueilli qu'un trophée technique, attribué au directeur de la photographie Paco Femenia auquel s'est ajouté le "Prix du jury" du 1er Festival du film policier de Beaune.
Aurora Rodriguez et sa sœur cadette Ana dérobent des diamants dans le coffre d'un gang russe d'Algeciras (Andalucía). Mais les hommes de surveillance, prévenus in extremis, saisissent avec violence l'aînée pendant que la plus jeune parvient à s'enfuir, retrouvant ses complices Paloma Molina et Gloria Duque. Engagée avec Paloma pour agrémenter les discussions d'affaires entre le truand mexicain Félix, accompagné de son associé Gabriel, et le local Ramón, Ana accepte l'inattendue demande en mariage de celui-là. De leur côté, Gloria et Paloma obtiennent du juge une réduction de moitié de la peine de huit ans de prison qu'il doit prononcer contre Aurora. Avec son fils Juan, Gloria part à Mexico où le mari d'Ana lui offre un travail. Après avoir éliminé un concurrent et joué les chaperons auprès d'une Ana oisive et alcoolisée, Gabriel alias 'Baby Face' est chargé de mener une importante transaction avec le chef d'un gang coréen. Brutalisée par Félix, Ana a imaginé un plan pour dérober la fortune de son époux qu'elle évoque avec Gloria. Au cours d'une nouvelle dispute, Félix éjecte Ana de sa limousine en mouvement.
"Ne t'inquiètes pas, petit, c'est que des femmes. Ouais, mais des Espagnoles !" Film de gangsters moderne et à forte concentration œstrogénique, Sólo quiero caminar s'inscrit néanmoins dans l'esprit du genre. D'abord en citant d'emblée visuellement le Thief de Michael Mann. Ensuite, en respectant ses codes essentiels et ses références(5) . Mais le rôle qui y est joué par les femmes(6), l'aggravation des compulsions érotiques qu'elles provoquent lui confèrent d'évidentes singularité et distinction ("race"). La quatuor d'actrices, toutes très bonnes dans des registres différents et complémentaires, participent évidemment au phénomène. Avec une mention particulière pour la Barcelonaise Ariadna Gil (interprète de María de Castro dans Alatriste) pour la belle ambivalence androgyne qu'elle réussit à donner à son personnage. Dans une composition très différente de celle pour les rôles comparables qu'il a tenu jusqu'à présent (Nicotina, Criminal), Diego Luna est excellent en Robert De Niro hispanique, taraudé par les circonstances de la mort de sa mère.
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1. meilleurs nouveau réalisateur et scénario original.
2. et le Mexicain Pablo Cruz, associé à Diego Luna dans Abel, la première fiction de celui-ci en tant que réalisateur avec José María Yazpik.
3. sur ¡Átame!.
4. Academia de las Artes y las Ciencias Cinematográficas de España.
5. l'un des surnoms donnés à Gabriel est celui de George Nelson, né Lester Joseph Gillis à Chicago, braqueur de banque et assassin des années 1930. En outre, une scène de The Wild Bunch, film de gangsters westernien, permet de dissimuler le bruit occasionné par les cambrioleuses.
6. toutes les femmes : bien vivantes, inconsciente ou décédée ; mères, épouse, sœurs ou putains.
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