"Seriez-vous plus intéressé par le retour que par le départ ?"
Troisième et pénultième* adaptation d'un ouvrage, paru en 1964, de Kôbô Abe, Tanin no kao
reste, malgré le réalisme formel qu'affiche son intrigue, le plus
énigmatique et le plus sombre opus de cette série. Le roman et le film
sont d'ailleurs contemporains au Yeux sans visage de Georges Franju
avec lequel ils partagent une situation de départ très comparable mais
qui se situe dans un registre et une esthétique sensiblement différents.
La présence de Tatsuya Nakadai, à l'affiche la même année du remarquable chambara Dai-bosatsu tôge, constitue évidemment pour ce très bon drame psychologique un attrait supplémentaire.
Affreusement brûlé au visage, Okuyama
ne se résout pas à retirer les bandages qui le dissimule. Cette
situation, particulièrement délicate à vivre, est également à l'origine
de la nette dégradation qu'il perçoit dans sa relation avec son épouse.
Pendant un congé obtenu sans difficulté de la part de son employeur, Okuyama presse son médecin, le dr Hori,
de tenter de lui donner un nouveau visage. Celui-ci, d'abord réticent,
accepte de lui confectionner un masque très perfectionné contre la
promesse de tout connaître de la nouvelle existence de son patient. Okuyama
loue un appartement, demande à son patron un changement d'affectation à
son retour de vacances et s'absente de chez lui une semaine pour un
prétendu voyage d'affaires. A peine muni de son masque, Okuyama peut se rendre à visage découvert dans une taverne en compagnie du dr Hori. Mais il lui tarde d'expérimenter seul sa nouvelle apparence.
Fable philosophique et morale, Tanin no kao apporte un nouveau prolongement à cette thématique de l'obsession et de l'identité chère à Kôbô Abe. Ce jeu de dupes qui se retourne contre ses artisans ("il ne faut pas se fier aux apparences" dit l'homme, "mais il faut les respecter" répond la femme) croise aussi, incidemment pourrait-on dire, celui de la monstruosité (physique et morale)**
et l'étrange destin d'une jeune femme, partiellement défigurée dans son
cas, convaincue du déclenchement imminent de la guerre. Certes moins
fantastique dans sa définition que le Onibaba de Kaneto Shindô, Tanin no kao, bercé par la jolie valse composée par Tôru Takemitsu***, n'en est pas moins ensorcelé et ensorcelant.
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*avant Moetsukita chizu que l'on aimerait voir également édité en vidéo.
**développé auparavant, à leur manière, par Rupert Julian (Phantom of the Opera), Rouben Mamoulian (Dr. Jekyll and Mr. Hyde) ou Jean Cocteau (La Belle et la bête).
***qui rappelle un peu celle de Dmitri Chostakovitch dans sa "Suite pour orchestre de jazz n° 2".
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