"Comment vit-on avec la mort ?"
Nous avions hâte de voir un nouveau film d'Isabel Coixet après le très réussi My Life Without Me qui avait révélée la cinéaste espagnole au public français fin 2003. La Vida secreta de las palabras est une œuvre plus personnelle encore, reposant comme Cosas que nunca te dije,
son premier film diffusé dans l'Hexagone, sur un scénario original dont
la Catalane est l'auteur, et non d'une adaptation. Après Berlin pour le
précédent film, cette nouvelle production des frères Almodóvar a été diffusée en première à Venise avant de remporter, en début d'année, quatre "Goya" (dont meilleurs film, réalisatrice et scénario) et quelques autres prix nationaux.
Jeune ouvrière d'emballage dans une usine irlandaise, Hanna Amiran est convoquée par Dan Barton,
son directeur. Celui-ci, bien que satisfait par son travail, lui
demande de prendre un mois de vacances à la suite de récriminations des
représentants du personnel. La jeune femme, déficiente auditive, n'est
en effet pas très sociable, suivant un rituel de vie très précis dans
lequel ses collègues n'occupent pas beaucoup de place. Après avoir
téléphoné sans lui parler à une femme dont elle reçoit les lettres sans
les ouvrir, elle part donc au bord de la mer. Dans un restaurant,
entendant une conversation dans laquelle son voisin déclare chercher une
infirmière, elle offre ses services. Hanna est alors emmenée
en hélicoptère sur une plate-forme pétrolière où une explosion est à
l'origine du décès d'un ouvrier et de graves brûlures sur un autre.
C'est de celui-ci, appelé Josef, qu'elle doit s'occuper
jusqu'au moment où il pourra être transféré dans un centre de soins. Un
relation faite de provocations et de confidences réciproques va
s'instaurer entre le blessé et son infirmière.
My Life Without Me était un superbe et poignant drame intimiste. Isabel Coixet, pour La Vida secreta de las palabras,
ajoute une dimension politico-humanitaire à laquelle on ne s'attend pas
et qui, à partir du dernier quart du métrage, refaçonne l'ensemble du
récit sous un tout nouveau jour. La scénariste et réalisatrice réussit à
faire en sorte que le spectateur soit en permanence intrigué par le
personnage d'Hanna et dans l'attente d'éléments qui
permettraient de mieux la comprendre. La pertinence de la narration est
d'apporter un éclairage qui soit à la fois individuel et tragiquement
collectif, contrastant de ce fait avec l'histoire (les expériences) spécifique(s), elle(s) aussi traumatique(s), de Josef.
Dans La Vida secreta de las palabras,
mémoire, survivance, partage et renaissance se croisent avec
intelligence et délicatesse. Par sa sincérité et sa sensibilité, le film
constitue une manière d'antithèse du Breaking The Waves de Lars Von Trier auquel il fait inévitablement penser. Difficile de ne pas être séduit par la composition intériorisée de Sarah Polley, surpris par la prestation inhabituelle de l'acteur de Robert Altman ou de Clint Eastwood Tim Robbins et ravi de retrouver, après le remarquable Finding Neverland, la belle Julie Christie.
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