"Jamais il n'en reviendra libre."
I Know Where I'm Going! n'aurait peut-être jamais existé si le stock de caméras et de pellicule Technicolor n'avait pas été réquisitionné en septembre 1944 par l'armée pour l'entraînement des aviateurs aux combats aériens. Michael Powell et Emeric Pressburger étaient en effet sur le point d'entamer la production de A Matter of Life and Death
lorsque devint indisponible cet indispensable élément pour leur projet.
Le scénariste d'origine austro-hongroise évoque alors avec son
partenaire un sujet de film auquel il pense depuis longtemps, celui
d'une jeune femme empêchée par les conditions météorologiques de se
rendre sur une île. De cet argument très vague (à tous les sens du terme !),
les deux cinéastes ont tiré un très beau drame romantique où se
rencontrent avec intelligence prosaïsme et un lyrisme teinté de
mythologie. Le film connut un échec à sa sortie, devenant une rareté
dans la filmographie des réalisateurs. Il est à présent, à juste titre,
très apprécié des cinéphiles, parmi lesquels un certain Martin Scorsese déclarant à son propos : "j'étais arrivé au point de penser qu'il n'y avait plus de chef-d'œuvre à découvrir avant de voir I Know Where I'm Going!."
A vingt-cinq ans, Joan Webster annonce à son banquier de père son prochain mariage avec le riche Sir Robert Bellinger. Elle va d'ailleurs le rejoindre, aussitôt après le dîner, sur l'île de Kiloran (Hébrides)
dans laquelle il a fixé sa résidence et où doivent se tenir des noces
très intimes. Mais, à cause du brouillard empêchant la dernière
traversée, son voyage s'arrête nuitamment à Erraig. Elle est alors
hébergée dans la demeure de Catriona Potts où elle fait la connaissance de Torquil MacNeil, de retour chez lui à Kiloran à l'occasion d'une permission de huit jours, et le colonel Barnstaple,
fauconnier de son état. Le lendemain, le brouillard a laissé la place à
une tempête, repoussant une nouvelle fois le départ de Joan et de MacNeil. Sur le chemin de Tobermory pour y avoir une conversation radio avec son futur époux, Joan, accompagnée par MacNeil, passent devant le château de Moy interdit d'accès aux châtelains de Kiloran par une vieille malédiction. MacNeil avoue posséder ce titre, Bellinger n'étant que l'actuel locataire de son domaine.
Pas de fantôme, comme dans The Ghost Goes West de René Clair,
dans ce récit écossais, juste une étrange et paradoxale imprécation.
Par leur critique du matérialisme et leur recours au mythe, par la
photographie d'Erwin Hillier également, il y a en revanche une évidente parenté entre IKWIG et A Canterbury Tale. La différence notable est que contrairement à Alison Smith,
cette autre Londonienne, tout à son objectif initial, est moins
immédiatement réceptive à son nouvel environnement. L'une des finesses
majeures du scénario consiste à faire naître le doute et la déroute chez
cette jeune femme présentée d'emblée, dès le titre, comme déterminée et
vigoureuse depuis son plus jeune âge. Il existe aussi un lien manifeste
entre les personnages de Thomas Colpeper et de Torquil MacNeil,
chargés l'un comme l'autre de catalyser le parcours initiatique des
héroïnes. Psychologique chez le premier, la méthode du second est
également physique, avec notamment l'expérimentation de la légende de Corryvrekan, climax (in)attendu du film. Belle prestation de la future "oscarisée" Wendy Hiller que l'on retrouvera assez différente chez Fred Zinnemann, Sidney Lumet et, bien sûr, David Lynch. Déjà présent dans The Life and Death of Colonel Blimp, Roger Livesey remplaçait ici avec talent le douillet James Mason avant de tenir le rôle du docteur Frank Reeves dans A Matter of Life and Death.
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