"Vous n'êtes personne."
Deuxième film de Federico Fellini et premier succès international, grâce notamment au "Lion d'argent" de la Mostra de Venise 1953, I Vitelloni
ne dissimule pas son inspiration assez clairement autobiographique.
Ostia, la banlieue côtière de Rome qui sert de décor à une partie du
tournage, ne ressemble-t-elle pas au Rimini natal du cinéaste ? Et le
personnage de Moraldo ne campe-t-il pas un jeune Fellini (lequel a alors trente-deux ans)
romanesque ? La plupart des obsessions thématiques du réalisateur sont
convoquées dans cette histoire tragi-comique signée à six mains avec les
complices Ennio Flaiano et Tullio Pinelli, l'amitié, le couple, le spectacle, la religion et l'aventure. I Vitelloni fut sélectionné en 1958 aux Academy Awards pour son scénario original, la même année que l'"Oscar" du meilleur film étranger décerné à Le Notti di Cabiria.
C'est la fin de la saison estivale dans une petite ville balnéaire. Alors qu'un orage menace, le résultat de l'élection de Miss Sirène
1953 est sur le point d'être annoncé. Parmi les nombreuses personnes
qui attendent le verdict, il y a cinq amis, perpétuels adolescents
désœuvrés, Alberto, Leopoldo Vannucci, l'intellectuel et apprenti-dramaturge, Moraldo Rubini, le cadet de la bande, Riccardino, le ténor amateur et Fausto Moretti, le chef et guide spirituel du groupe. C'est la jolie Sandra, la sœur de Moraldo,
qui est désignée reine de beauté. Prise d'un malaise, on appelle le
médecin et la jeune femme doit avouer à ses parents qu'elle est
enceinte. Le géniteur n'est autre que le volage Fausto, rentré prestement chez lui pour préparer un soudain voyage à Milan. Son père l'empêche de partir et le contraint à épouser Sandrina
; après les noces, le jeune couple part en voyage à Rome. A son retour,
le beau-père du marié trouve un travail à ce dernier dans la prospère
boutique d'articles religieux de Michele Curti. Mais le séducteur Fausto n'a pas renoncé aux autres femmes.
Ni mélodrame, ni comédie de mœurs, I Vitelloni est une nonchalante évocation du temps qui passe dans une petite ville de province et le portrait de cinq individus ("veaux") qui refusent la transition vers l'âge adulte. Même si la crise du couple Sandra-Fausto
constitue la trame de fond du scénario, chacun de ces personnages,
rêveur mais sans ambition, est susceptible d'occuper le devant de la
scène et partager, provisoirement, son malaise et son désarroi. Pas de
discours social, la représentation des classes ouvrière et bourgeoise
n'étant que très vaguement esquissée. Si l'on ne connaissait pas Fellini,
le film pourrait être qualifié de moralisateur, encadré par
l'emblématique triade famille-travail-religion et clos de manière très
conventionnelle. I Vitelloni
est en réalité une ode nostalgique au vagabondage, un art assidûment
pratiqué par le cinéaste italien. La réalisation du film est très
maîtrisée et il faut souligner, aux côtés d'Alberto Sordi et de Leopoldo Trieste déjà à l'affiche de Lo Sceicco bianco, la qualité des prestations de Claude Farell, brève mais intense, et de Franco Interlenghi, l'ex-jeune héros du Sciuscià de Vittorio De Sica. Nul doute que les images du film de Fellini devaient trotter dans l'esprit de Martin Scorsese, d'Ettore Scola et de Mario Monicelli lorsqu'ils entreprendront, respectivement, Mean Streets, C'Eravamo Tanto Amati et Amici Miei.
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