dimanche 6 juin 2004

Lebenszeichen (signes de vie)


"... Seule la lumière peut faire face à la lumière."


Premier long métrage, doté d'un budget ridicule, de Werner Herzog après quatre courts, Lebenszeichen permet au réalisateur de partir sur les traces de son grand-père archéologue. Le film reçoit, d'emblée, un "Ours d'argent", prix spécial de la première oeuvre au Festival international du film de Berlin en 1968. Tout ce que sera le cinéma d'Herzog est déjà en puissance dans ce film.
L'histoire, mi narrée mi dialoguée, du soldat allemand Stroszek (Peter Brogle) : blessé par des partisans grecs, il est soigné dans un hôpital militaire crétois puis affecté, pendant sa phase de convalescence, sur la tranquille île de Kos. Accompagné de sa future épouse Nora (Athina Zacharopoulou), il a pour mission, avec deux autres soldats, de garder un dépôt de munitions au centre d'un château médiéval. Les jours s'écoulent, paisibles, trop paisibles. L'uniformité est à peine rompue par l'apparition d'un prétendu et étrange jeune roi tzigane. L'état mental de Stroszek commence à inquiéter son entourage. Au cours d'une patrouille dont il a sollicité le principe pour tromper son ennui, il est pris d'un accès de folie.
Inspiré de l'œuvre de l'auteur fantastique Ludwig Achim von Arnim*, dont la notoriété a été éclipsée par son contemporain E.T.A. Hoffmann, Lebenszeichen est avant tout d'une grande beauté visuelle. Cette splendide photographie** en noir & blanc des paysages du Dodécanèse crée le charme intemporel et fantastique du film, accompagnée par les accents musicaux locaux, mais non folkloriques, de Stavros Xarhakos. Car plus que le récit lui-même, c'est l'atmosphère singulière habilement et poétiquement composée par Herzog qui en fait l'intérêt. La plupart des thèmes que développera le réalisateur allemand dans ses films suivants sont déjà présents : la folie, bien sûr, la solitude, la nature et l'enfermement traités avec ce lyrisme documentaire qui est devenu sa marque de fabrique. Une très belle première oeuvre qui laisse entrevoir un talent rapidement confirmé, au début des années 1970, par Auch Zwerge haben klein angefangen et Fata Morgana, avant le choc Aguirre, der Zorn Gottes.
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*traduit en français par Théophile Gautier au milieu du XIXe siècle.
**dont Thomas Mauch est déjà l'auteur. Il sera derrière la caméra sur six autres films du metteur en scène.

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