mardi 22 septembre 2015

Un Carnet de bal

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"Je suis partie sur les traces de mon passé pour savoir... [...] Pour savoir précisément ce que je pourrais faire de mon avenir."

Sur le point de partir tourner une première fois aux Etats-Unis,  enchaine deux films très dissemblables mais qui sont généralement considérés comme représentatifs de sa carrière. Polar exotique adapté du roman jusque-là méconnu d' (édité en 1931 sous le pseudonyme de Roger d'Ashelbé)Pépé le Moko marque le début de sa collaboration avec Henri Jeanson1 et lui valu une durable reconnaissance outre-Atlantique. Produit à partir d'un scénario original, Un Carnet de bal2 est un long drame nostalgique, un peu disparate, sur les effets du temps et de la déception sentimentale. Tous deux relèvent néanmoins du réalisme poétique, expression souvent été utilisée pour qualifier la production du plus prolifique des grands cinéastes francophones de cette époque3. Le second dispose d'une prestigieuse distribution dont plusieurs nouveaux entrants dans l'univers de , à commencer par , interprète du personnage central.
Au lendemain des funérailles de son mari, Christine de Guérande épouse Surgère retrouve, parmi les divers documents laissés par le défunt, le carnet de son premier bal. Mélancolique et désœuvrée, elle décide de quitter sa demeure au bord d'un lac italien afin de revoir huit des dix cavaliers listés une vingtaine d'années plus tôt, soupirants tous éconduits par la jeune fille de seize qu'elle était alors. Elle rencontre successivement la mère de Georges Audié, cloitrée de manière psychotique dans son refus d'admettre le suicide de son fils, Pierre Verdier, ancien avocat radié du barreau devenu sous le sobriquet de Jo le patron d'un cabaret de tolérance et d'une bande de brigands, Alain Regnault, entré dans les ordres sous le nom de père Dominique, Eric Irvin, désormais guide de montagne à Val d'Isère, François Patusset, maire de son village du Var en plein préparatifs de secondes noces avec sa bonne, Thierry Raynal, pitoyable médecin avorteur installé sur les quais de Marseille et amant d'une mégère puis enfin Fabien Coutissol, coiffeur pour dames et plaisant père de famille.
Si la solennité initiale du film se trouve assez vite contredite par la visite rendue au premier amoureux survivant, son lyrisme reste en revanche une constante. Les brusques changements de tonalités surprennent, des ombres et clameurs enfantines d'une église aux lumineuses et dangereuses pentes neigeuses des Alpes, de la truculence méridionale d'un élu acclamé par ses administrés à l'amer désespoir d'un pauvre praticien borgne, harassé par sa compagne et par le vacarme des grues portuaires, Un Carnet de bal nous dessine une bien singulière carte (périmée) du Tendre. La perte, la désillusion et l'idéalisation adolescente sont au cœur du scénario écrit par 4. Sorte d'antithèse de La Ronde, la pièce d' adaptée en 1950 par , il opte cependant aussi pour la circularité avec un décevant final légèrement artificiel ("bouclage de boucle" valsé). Les principaux acteurs des sept tableaux (par ordre d'apparition5 : Pierre-Richard Willm et ) contribuent bien sûr à l'attrait initial mais également à l'impression favorable subséquente laissée par cette production. Primé par la "Coppa Mussolini" du meilleur film étranger au terme de la 5e MostraUn Carnet de bal a donné lieu à une version étasunienne sensiblement différente, Lydia, produite par Alexander Korda et réalisée en 1941 par  (avec  et ).
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1. il co-signera les scénarii de huit films de  jusqu'en 1962.
2. l'emploi de l'article indéfini m'a toujours semblé énigmatique.
3. Jacques FeyderJean RenoirRené Clair et Marcel Carné.
4. en collaboration avec Jean Sarment pour les parties avec  et P.-R. Willm, avec Bernard Zimmer pour celles avec  et ,. Mentionnés par diverses bases de données, Yves Mirande et Pierre Wolff n'apparaissent pas au générique.
5. ordre au générique : , sociétaire de la Comédie française, Pierre-Richard Willm.







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