mardi 1 septembre 2015

Nightcrawler (night call)

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"What if my problem wasn't that I don't understand people but that I don't like them?"

Depuis Network (1976) de Paddy Chayefsky et Sidney Lumet, peu de productions hollywoodiennes ont placé la télévision au centre de leur scénario... sauf sur le mode comique (tel le diptyque Anchorman du duo -). Choisi par le scénariste  (co-adaptateur de The Fall de Tarsem Singh) pour sa première réalisation, le sujet est traité ici sous un angle bien spécifique, à travers un personnage fictif assez singulier. Produit par son frère aîné Tony Gilroy1Nightcrawler constitue, à défaut d'un coup de maître, une première expérience réussie et une vraie bonne surprise2.
Solitaire et sans emploi, Louis Bloom subvient à ses besoins courants en commettant divers larcins sur la voie publique. Une nuit, témoin d'un grave accident de la circulation, il assiste à la couverture de ce fait divers par deux reporters indépendants. Y voyant une opportunité d'améliorer sa situation, Bloom acquiert une caméra et un scanner de fréquences des patrouilles du LAPD. Les images captées sur le lieu d'un mortel vol de voiture lui permettent de rencontrer Nina Romina, directrice de l'information d'une chaine de télévision locale, et de lui vendre sa vidéo. Enhardi par cette première réussite, Bloom cherche à repousser les limites fixées aux journalistes et aux opérateurs free-lance par la police ou les services d'urgence, n'hésitant pas à s'introduire dans le domicile d'une famille victime d'une fusillade de rue. Pour rendre ses interventions plus efficaces, Bloom engage le jeune et impécunieux Rick chargé de l'assister. Les circonstances vont bientôt lui permettre d'arriver sur les lieux d'un triple meurtre avant la police et ses concurrents. Et de pouvoir mettre en scène un reportage consécutif.
De voleur de biens matériels à voleur d'images choc, y a-t-il une si grande différence ? Au-delà de la course effrénée au "sensationnel" motivée par le sordide voyeurisme déclenché par l'accident, le crime et la mort sur laquelle Nightcrawler fonde son récit, ce qui frappe le spectateur, c'est le total détachement, l'absence d'émotion (sauf contre lui-même) du personnage central. Eduqué au moyen du Web, prolixe en sentences pragmatiques un peu creuses3Bloom "se sert" aux deux sens du terme. Il exploite, tel un carnassier nécrophage4, en usant de transgression le malheur et la perte des autres à des fins éminemment mercantiles ; il utilise également ceux qu'il côtoie avec pour unique dessein de satisfaire son ambition personnelle et son désir de reconnaissance. Dans un rôle clairement atypique,  confirme qu'il est l'un des meilleurs acteurs de sa génération. Face à lui, les prestations de 5 (Mrs. ) ou du Londonien Riz Ahmed et la participation de  paraissent d'ailleurs un peu fades. Soulignons aussi la qualité artistico-technique de cette première réalisation, grâce notamment à la photographie nocturne de l'oscarisé , au montage de John Gilroy (le frère jumeau de ) et à la partition musicale de James Newton Howard. Présenté en première lors du 39e TIFFNightcrawler a rencontré un joli succès commercial6 et obtenu quelques prix d'importance secondaire7
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1. leur seconde collaboration après The Bourne Legacy (Michael Clayton), le duo - (Whiplash) et Jake Gyllenhaal sont associés au financement du film.
2. surtout si l'on se souvient du précédent scénario signé seul par , le peu convaincant drame sportif Two for the Money (2005) dirigé par .
3. à l'exemple du "Why you pursue something is as important as what you pursue."
4. Bloom s'apparente un peu au svelte et rapide coyote que l'on aperçoit dans un documentaire au cours du métrage.
5. de retour à l'écran, après la comédie Yours, Mine & Ours (2005), à l'occasion des deux premiers volets de la trilogie en cours Thor.
6. amorti dès le premier weekend d'exploitation : près de 11M$ de recettes (au final 32M$ aux Etats-Unis, seulement 6M à l'international) pour un budget d'environ 8,5M$.
7. nommé toutefois aux WGA et Academy Awards 2015.



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