dimanche 27 septembre 2015

Le Crime de Monsieur Lange

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Le contexte, les individus, leur influence respective et conjointe sont sans doute déterminants pour aborder cette production de . Affirmer, au préalable, qu'elle ne possède pas les qualités de plusieurs des chefs-d'œuvre de cette période essentielle (ouverte avec La Chienne puis Boudu sauvé des eaux) dans la carrière du cinéaste ne constitue pas pour autant une dépréciation du film lui-même. La comédie dramatique imaginée par Jean Castanier1 ne présente, il est vrai, d'intérêt qu'au niveau de certains détails. Au contact de sa deuxième compagne (et monteuse depuis Le Bled) Marguerite Houllé, les opinions politiques de  s'expriment avec plus d'engagement. Le Crime de Monsieur Lange traduit assez bien cette évolution. Il faut également souligner le rôle déterminant joué par le contexte politique, français et international. Fragilisation des successifs gouvernements radicaux par les actions violentes des ligues d'extrême droite et formation d'une gauche unifiée qui remportera bientôt les élections2 ; accession au pouvoir de partis nationalistes ou de juntes militaires.
Plus que la romance entre le rêveur Amédée Lange et la blonde blanchisseuse Valentine ou les frasques financières et libidinales de l'immoral Paul Batala, deux éléments narratifs du scénario, occasion de l'unique collaboration de  avec Jacques Prévert, marquent les esprits. En premier lieu, l'appel à un jugement populaire (hors enceinte judiciaire, sans débat contradictoire car sur la seule base du récit des événements fait par Valentine) du crime commis par Lange (avec emploi, rare à cette époque, du flashback). Ensuite, la reprise en coopérative ouvrière3 de la petite entreprise d'édition faillie attenante à la cour, centre névralgique du Crime de Monsieur Lange. Une évidente effervescence, un enthousiasme à peine troublé par quelques épisodes dramatiques caractérisent le film. Impression confortée par le jeu des acteurs, avec le Niçois 4 et la Vendéenne Odette Rousseau alias 5 (couple déjà réuni pour deux adaptations théâtrales) en tête de distribution associé ici à 6. Parmi les seconds rôles, 7 ainsi que les quasi débutants  et  (aperçu dans La Chienne) parviennent à sortir d'un lot comptant plusieurs autres membres du groupe d'Octobre8.
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1. le peintre catalan avait proposé l'histoire à son ami Jacques Becker. Les producteurs sollicités par celui-ci lui préférèrent , plus expérimenté, provoquant ainsi une brouille temporaire entre le réalisateur et son assistant sur cinq précédents films.
2. dans le cadre desquelles  participera au tournage du documentaire de propagande La Vie est à nous (avril 1936).
3. une gestion moins innovante que certains le prétendent puisque les premières associations ouvrières sont apparues dans la clandestinité (les coalitions ayant été interdites en 1791, peu après la Révolution) au début du XIXe siècle avant d'être légalisées en 1864. L'année 1936 a connu un fort développement de cette forme entrepreneuriale.
4. l'artiste-peintre du Million (1931) de René Clair et, trente ans après, le receleur victime précoce du Doulos de Jean-Pierre Melville.
5. vue notamment chez chez Pabst au début des années 1930, titulaire des personnages de Fantine dans Les Misérables (1934) de  et de Mme Moscat dans Liliom de Fritz Lang.
6. dans son seul film de Marcel Carné le dirigera ensuite à deux reprises (Le Jour se lève et Les Visiteurs du soir).
7. née Germaine Lebas, l'épouse du cinéaste Dimitri Kirsanoff tiendra le petit rôle de Louison dans La Marseillaise (1938) du même .
8. troupe de théâtre ouvrier, proche du P.C.F., dissoute en juin 1936. Jacques Prévert avait écrit, dès 1932, plusieurs de ses textes.


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