jeudi 9 juillet 2015

Shussho Iwai (les loups)

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"Dans ce monde de yakusas... à quoi d'autre peut-on faire confiance ?"

Spécialiste du chanbara depuis ses débuts en 1964,  opère un glissement thématique à l'aube des années 1970. Ecrit avec  (leur cinquième et ultime collaboration depuis Tange Sazen: Hien iaigiri en 1966 au nombre desquelles figure l'excellent Goyôkin)Shussho Iwai (出所 祝い i.e. source célébration) constitue l'une des contributions les plus remarquables d'un genre connexe1 initié au milieu de la décennie précédente. Une importance d'autant plus marquée grâce au recul dont nous disposons aujourd'hui. Le film est sans doute aussi l'un des premiers à s'inscrire à l'intersection des ninkyo et jitsuroku eiga (où s'opposent respect et transgression des codes d'honneur claniques).
Récit de l'antagonisme vaguement conciliée entre les clans Enokiya et Kannon, Shussho Iwai s'ancre dans un contexte historique précis, celui de la succession de l'empereur Taisho Tenno, "période de grande justice" caractérisée par la prépondérance démocratique parlementaire, ouvrant l'ère Showa nationaliste et expansionniste. Transition politique qui bouleverse les calendriers de cette sournoise guerre larvée en raison de la réduction des peines d'emprisonnement de quatre détenus impliqués2. Celle au profit de Seiji Iwahashi et Tsutomu Onodera (Enokiya), de Gunjiro Ozeki (Kannon) et celle, apparemment isolée, de la tatoueuse Yu KojimaIwahashi a notamment tué le chef du clan rival, Tsutomu a été le secret amant d'Aya, la fille de son propre parrain, depuis promise à Igarashi, le nouveau chef Kannon, afin de sceller l'alliance entre les deux clans ; Ozeki a quitté le sien une fois sorti de prison en acceptant néanmoins de commettre pour lui un assassinat vengeur.
Comme pour le film de sabre,  réussit à concilier convention et singularité. A n'en point douter, Shussho Iwai est une des œuvres les plus personnelles du cinéaste tokyoïte. Une intrigue très adroitement imbriquée, dont la composition et les différents secrets rendent son abord un peu abrupt. Le permanent sentiment de danger (véhiculé en particulier par l'esthétique et inquiétant duo de tueuses), de perfidie instauré autour d'un personnage principal voué à la droiture et au compromis pacificateur donne une réelle, presque palpable intensité dramatique au récit. Une appréhension soulignée par la belle photographie de Kôzô Okazaki et par l'insolite bande originale (dans son registre atonal plus que jazzy) de Masaru Satô. Mais le supplément d'âme apporté au film, nous le devons au prodigieux , dirigé ici pour la quatrième (des dix) fois par , au jeu (affiné notamment auprès d'Akira Kurosawa et de ) toujours aussi subtil et saisissant. Le casting dans son ensemble (, grande vedette de la Daiei et  y tiennent les principaux seconds rôles) figure d'ailleurs parmi les atouts significatifs de cette productionde grande qualité.
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1. dont Kinji Fukasaku (notamment auteur de la série de dix films Jingi naki tatakai réalisés entre 1973 et 2000) était alors l'un des plus notables artisans. Catégorie à laquelle ont, entre autres, ensuite participé à la leur manière Seijun SuzukiTakeshi KitanoTakashi Miike ou encore, de l'autre côté du Pacifique Sydney Pollack.
2. sur les près de 400 prisonniers concernés par cette série de libération conditionnelle décrétée entre l'automne 1928 et le début de l'année 1929.
3. conduite par Sanezumi FujimotoHideyuki Shiino et Masayuki Satô pour les studios Toho et Tokyo Eiga.





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