mercredi 23 décembre 2009

D.O.A. (mort à l'arrivée)


"... There's nothing you can do that you ever have to feel guilty about. "

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Chef-opérateur de 1920 à 1947(1), Rudolph Maté passe à la réalisation et tourne trois films pour la Columbia (parmi lesquels un polar avec William Holden). Le natif de Cracovie alors austro-hongroise rencontre à cette époque le producteur Leo C. Popkin dont le parcours avait jusque-là été surtout marqué par son association avec le Français René Clair pour l'adaptation du roman d'Agatha Christie And Then There Were None. Ensemble, ils mettent sur pied ce qui reste encore aujourd'hui une des plus intéressantes contributions au film-noir. Signé par le duo Russell Rouse(2)-Clarence Greene, D.O.A. a rejoint en 2004 Double Indemnity au National Film Registry(3).
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Un individu se rend avec détermination à la Brigade criminelle de Los Angeles et demande à voir le responsable. Il souhaite signaler un meurtre commis la veille à San Francisco. Et dont il est la victime. L'homme, recherché par la police sur requête d'un inspecteur de San Francisco, raconte alors à son interlocuteur les événements des dernières quarante-huit heures. Frank Bigelow, comptable spécialisé en affaires fiscales installé à Banning, une petite ville proche de Palm Springs, avait soudainement décidé de prendre une semaine de vacances à San Francisco. Sans y emmener Paula Gibson, son assistante et probable future épouse, au grand désarroi de cette dernière. Après s'être réconcilié avec elle autour d'un verre, Bigelow prend l'avion et descend à l'hôtel "St. Francis" où les dernières visiteuses d'une semaine de la mode attirent illico son attention. Après un appel à Paula, au cours duquel il apprend qu'un certain Eugene Phillips désire lui parler d'urgence, Bigelow est convié par Sam Haskell à se joindre à la petite réception qu'il a organisée dans la chambre d'en-face.
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Sue, l'épouse de celui-ci, lui porte un intérêt pas seulement motivé par ses talents de danseur. Au "Fisherman", une boite de jazz, Bigelow quitte le groupe afin de trouver un peu de calme et entreprendre une jolie blonde assise au bar. Un inconnu au visage dissimulé profite de son déplacement pour échanger son verre. La jeune femme lui donne son numéro de téléphone mais, rentré à l'hôtel, Bigelow renonce finalement à l'aventure. Le lendemain matin, le réveil se révèle particulièrement difficile. Au cours de son errance à travers les rues de la ville, Bigelow repère et pénètre dans un cabinet médical. La visite préliminaire le rassure mais les analyses font état d'un empoisonnement irréversible et fatal par une substance fluorescente, un diagnostic bientôt confirmé par un médecin du Southern Pacific Hospital. Il ne reste à Bigelow que quelques heures à vivre, une semaine au plus.
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"You've been murdered." Sorti quelques semaines avant Panic in the Streets de Kazan, D.O.A. annonce l'évolution symptomatique, diffusément paranoïde du film-noir et dont le pic paroxysmique s'intitulera Kiss Me Deadly. Le chef-d'œuvre du réalisateur Rudolph Maté n'est pas le premier à mettre en scène le récit d'un condamné à mort lancé malgré lui dans une redoutable course contre la montre. Mais il y a une indéfinissable et mystérieuse originalité dans la tonalité narrative et dans les atmosphères créées, cela dès l'intrigante solennité du prologue en passant, bien entendu, par la formidable scène de fuite, au terme du premier tiers du métrage. Une séquence, tournée sans autorisation, qui s'achève avec malice par l'adossement du personnage central à un kiosque à journaux affichant les multiples couvertures d'un célèbre hebdomadaire fondé en 1936 par Henry Luce. Le scénario a beau être un peu alambiqué, les enjeux initiaux un tantinet dérisoires et les règles du genre enfreintes(4), le spectateur se retrouve littéralement emporté par la vorticité de cette étrange cabale. L'influence, au moins structurelle, du Double Indemnity de Billy Wilder cité précédemment est manifeste même si D.O.A. s'en détache sensiblement au fur et à mesure de la progression du script. Partenaire de Burt Lancaster dans The Killers puis, plus récemment, de James Cagney dans White Heat, Edmond O'Brien occupe pour la première fois la tête d'affiche. La faible caractérisation de cet ancien apprenti magicien devenu comédien dès le collège convient bien à l'interprétation de ce M. Grosbas qui aurait aussi bien pu se nommer John Doe. Tout le contraire de Neville Brand qui fait ici ses débuts au cinéma déjà en psychopathe cruel. Le Bradbury Building, qui avait déjà servi de décor à Double Indemnity, utilisé pour la séquence qui précède la conclusion, apparaîtra à nouveau dans Chinatown et surtout dans Blade Runner. Deux remakes du film de Rudolph Maté ont enfin été produits, le premier Color Me Dead en 1969, le second en 1988 par le couple Annabel Jankel-Rocky Morton avec Dennis Quaid dans le rôle principal.
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1. en Europe notamment de Dreyer et Lang puis, à partir de 1935 à Hollywood, de Wyler, Vidor, Hitchcock ou Lubitsch.
2. également réalisateur (The Well), récompensé en 1960 par un "Oscar" pour sa participation à l'écriture de Pillow Talk.
4. en particulier sur le plan visuel et par l'absence d'une authentique femme fatale... ou devrait-on dire la présence de sa figure inversée. Et puis comment qualifier ces bruitages, dignes du fameux Loup de Tex Avery, qui ponctuent le passage à l'écran de quelques belles plantes à l'hôtel "St. Francis" ?

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