mardi 1 avril 2008

Rokudenashi (bon à rien)


"... C'est tout bon ou tout mauvais, l'un ou l'autre."

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Sorti précisément entre les deux derniers volets de la "Trilogie de la jeunesse"(1) de Nagisa Oshima, Rokudenashi, le premier film de Yoshishige Yoshida, participe du courant appelé la Shochiku nuberu bagu. Malgré l'aveu tardif du réalisateur, alors âgé de vingt-sept ans, de l'influence de la "Nouvelle vague" française, ce mouvement cinématographique apparu en 1956 ne constituait en réalité que la simple émergence d'une nouvelle génération de cinéastes mue par la volonté de s'affranchir du carcan des grands studios de production. Notamment en développant des problématiques inusitées ou en abordant de façon moins conventionnelle des thèmes plus classiques.
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A bord de sa belle limousine américaine où ont pris place ses trois acolytes Fujieda, Jun et Morishita, Toshio Akiyama guette Ikuko Makino, la secrétaire de son père. Comme tous les 28 du mois, l'assistante du riche homme d'affaires vient retirer à la banque une forte somme d'argent destinée à son patron. Les quatre étudiants désœuvrés lui proposent de la raccompagner à son bureau et, pour se divertir un peu, simulent le vol de la sacoche de billets. Contrarié d'avoir été comparé à un loup après avoir été traités, lui et ses camarades, de bons à rien, Toshio décide de ridiculiser la jeune femme. Il charge Jun d'aller la chercher à la sortie de son travail afin de l'emmener à une fête organisée à grands frais par ses soins dans un hôtel chic de Tokyo. Avant son arrivée, Toshio fait croire à ses convives qu'elle est une chanteuse revenue au Japon après avoir passé quatre ans en France, liée à Juliette Gréco et à Yves Montand dont elle connaît les répertoires. Une panne de courant déclenchée opportunément par Jun permet à Ikuno d'échapper à son infortune. En guise de remerciements, celle-ci conseille à Jun de cesser de fréquenter Toshio.
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Le désarroi de la jeunesse d'après-guerre, comme dans les films de Nagisa Oshima cités précédemment (en particulier Seishun zankoku monogatari), est évidemment le sujet central de cette première réalisation. A partir d'un scénario original étonnamment maîtrisé et efficace pour une œuvre initiale, Kijû Yoshida prolonge son analyse par une critique sociale à peine voilée. D'abord en réunissant, au sein de la petite bande conduite par Toshio dont le but presque exclusif est de tromper l'ennui, des personnages issus de milieux distincts, donc soumis à des rôles, contraintes et perspectives différenciés. Ensuite en présentant la relation matrimoniale(2), une institution sacrée au Japon, comme une rebutante (réfrigérante !) aliénation. Enfin par la pertinente comparaison faite entre la férocité cynique et néanmoins légitimée du libéralisme économique et celle, seulement tolérée par faiblesse, de jeunes gens livrés à eux-mêmes par des pères obnubilés par l'enrichissement matériel sous le prétexte de la reconstruction du pays. La soif de liberté, alimentée par un détonant mélange de révolte et de désillusion, l'espoir et l'amertume(3) se trouvent intelligemment traduits dans Rokudenashi d'où semblent d'emblée exclus le relatif et le virtuel.
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1. A bout de souffle de Jean-Luc Godard et Tirez sur le pianiste de François Truffaut sont aussi distribués en 1960... année de diffusion également d'Akibiyori, l'antépénultième film d'Ozu.
2. à travers le couple formé par Hisako et Shin'ichi, le frère d'Ikuko.
3. entre lesquels ballote Frankie Machine, le personnage principal du provocant (à son époque) The Man with the Golden Arm d'Otto Preminger dont l'affiche apparaît dans le film.

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