"Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi le président des Etats-Unis n'a pas assisté au lancement d'Apollo XI" ("Mémoires" de Nikita Khrouchtchev)
Ce n'est un secret pour personne, William Karel
aime regarder les dessous, en particulier ceux des Etats-Unis.
L'ex-photographe de plateau ne manque également pas d'humour. Entre le
portrait qu'il a consacré en 1995 à John F. Kennedy ("Les Brûlures de l'Histoire" sur France 3) et ses documentaires sur la CIA et sur George W. Bush, il a l'idée de produire avec Arte un "documenteur"* (vocable inventé par Agnès Varda).
Le choix se porte sur un des événements majeurs de l'Amérique du XXe
siècle, avec bien sûr d'inattendues implications cinématographiques :
les premiers pas de l'homme sur la Lune. Et si les images regardées par
des millions de téléspectateurs le 21 juillet 1969 n'étaient qu'une pure
fiction (comme l'affirmait d'ailleurs à l'époque Jean-Luc Godard), reléguant ou promouvant, au choix, ce fantastique reportage dans la sphère purement artistique aux côtés des œuvres de Jules Verne, Georges Méliès, Fritz Lang ou Hergé ?
Le point de départ de l'enquête résulte d'une autre interrogation. Pour quelles raisons Stanley Kubrick a-t-il pu utiliser pendant le tournage de Barry Lyndon des lentilles (f/0.75) spécialement développées par Zeiss pour la NASA ? Opération Lune
rappelle d'abord la délicate et complexe compétition dans laquelle
étaient engagés les Etats-Unis, après l'échec de Cuba et l'enlisement
vietnamien, et son président Richard Nixon avec l'URSS de Khrouchtchev
pour conquérir le satellite naturel de la Terre. Le documentaire
souligne ensuite l'influence de 2001: A Space Odyssey
puis d'Hollywood pour faire de cette guerre technologique un
divertissement et obtenir ainsi l'approbation de la population pour son
financement. Les témoignages de Christiane Kubrick, la veuve du
cinéaste, d'Henry Kissinger, du chef d'état-major Alexander Haig, des
ex-directeurs de la CIA Vernon Walters et Richard Helms, du secrétaire à
la défense Donald Rumsfeld et d'anciens astronautes valident
progressivement la thèse d'un faux, révélant ses funestes conséquences.
Pendant environ les deux-tiers de son métrage (52 minutes), Opération Lune
demeure assez crédible et l'on se dit qu'une incroyable affaire est sur
le point d'être révélée. Ce sont d'abord les réponses des ex-pontes de
l'Administration US à des questions inaudibles qui sèment le doute, puis
des références nominatives à des films d'Hitchcock notamment (The Man Who Knew Too Much, North by Northwest) révèlent le canular, la démonstration tournant alors au loufoque. L'objectif initial de Karel,
diffuser un documentaire parodique, donc destiné pour l'essentiel à
divertir, sur la réputée sérieuse chaîne franco-allemande, est
parfaitement atteint. Le film, en semblant participer de la Théorie du complot,
montre aussi la capacité de la télévision, média dominant, à manipuler
les faits et à désinformer comme cela a été plusieurs fois mis en
évidence, en particulier depuis l'affaire des charniers de Timisoara, et
l'importance décisive des images pour donner de la substance à un
événement.
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*mockumentary en anglais, terme employé pour la première fois, semble-t-il, par le cinéaste Rob Reiner à propos de This Is Spinal Tap... mais dont Orson Welles aurait pu être le créateur !
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