"Je rêve encore ?"
Surtout connu pour ses films des années 1930 ou d'après-guerre, Julien Duvivier a également tourné à l'étranger, notamment aux Etats-Unis à l'invitation de la MGM dès 1938. De retour sur le sol américain au début du futur conflit mondial, il collabore avec Alexander Korda et la Fox (déjà avec Charles Boyer et Edward G. Robinson). Pour Universal, il réalise successivement Flesh and Fantasy et The Impostor
avant de revenir en Europe. Le premier, aux atmosphères volontiers
fantastiques et au casting prestigieux, est un film à segments dont la
cohérence reste un tant soit peu artificielle.
Dans son club anglais, Davis trouve Doakes visiblement
perturbé. Celui-ci, pourtant rationaliste, lui avoue avoir consulté une
cartomancienne, laquelle lui a annoncé un événement aussitôt contredit
par un rêve, désaccord à l'origine de son trouble et de sa contrariété. Davis
propose de lui raconter une première histoire découverte la veille dans
un livre, puis de lire par lui-même les deux suivantes du recueil.
1- Une nuit de Mardi gras, Henrietta,
souffrant plus que d'habitude de sa disgrâce physique, est sur le point
de se suicider. Un inconnu, venu de nulle part pour la réconforter, lui
propose de porter un masque susceptible de lui permettre de séduire Michael, un étudiant en droit qu'elle croise parfois et dont elle est secrètement éprise. 2- Au cours d'une soirée chez des amis, l'avocat Marshall Tyler rencontre Septimus Podgers,
un remarquable chiromancien aux prédictions avérées. L'homme, d'abord
réticent à lui révéler un événement qu'il a lu dans les lignes de sa
main, lui apprend qu'il va commettre un meurtre. 3- Quelques minutes avant son entrée en piste, Paul Gaspar, dit "le Funambule ivre" dont la prestation est le clou du cirque de King Lamarr,
rêve qu'une jeune femme crie sous le chapiteau, entraînant sa chute.
Son malaise l'empêche de réaliser la partie la plus périlleuse de son
numéro. Sur le paquebot qui emmène la troupe à New York, Gaspar
rencontre la femme qu'il a vu dans son rêve. Elle possède, de surcroît,
des boucles d'oreilles identiques à celles qu'il a distinctement vues
pendant son sommeil.
Jean Renoir déclarait à propos de Duvivier qu'il était : "...
un poète. Ses films ne se limitent jamais à l'exposition du sujet, ils
nous entraînent dans un monde à la fois réaliste et irréel. Ses
personnages sont vrais, et pourtant il leur arrive d'être
fantastiques..." Même si le cinéaste français n'a pas participé significativement au scénario, Flesh and Fantasy
illustre assez bien cette définition. Les trois histoires dont il est
composé s'inspirent toutes du rêve, de la divination, du destin et de
l'amour. La première s'avère assurément la plus étrange, variante
fabuleuse du "Masque" de Maupassant porté plus tard à l'écran par Max Ophüls dans Le Plaisir. La libre adaptation de la nouvelle d'Oscar Wilde "Lord Arthur Savile's Crime" (1887),
où l'auteur étudiait, à sa manière singulière, le thème de la
responsabilité, est la plus réussie. Il faut cependant souligner la
relative faiblesse de leur corrélation, laquelle repose essentiellement
sur l'exposition initiale et intermittente. Un quatrième récit, en
ouverture du film, fut coupé et servit à la production d'un quasi long
métrage, Destiny, diffusé en 1944 aux Etats-Unis. Davantage que la qualité des interprétations, en particulier celle de Betty Field et d'Edward G. Robinson, c'est la photographie, notamment le travail d'éclairage de Paul Ivano (Queen Kelly, Frankenstein) et de Stanley Cortez (The Magnificent Ambersons, The Night of the Hunter), qui retient le plus l'attention.
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