Y
aura t-il de la neige en avril ? La question fait sens dans ce film
coréen où l'amour décide du climat et du changement des saisons.
Un jour, un homme accourt au chevet de sa femme tombée dans le coma à la
suite d'un accident de voiture. Au même moment, au même endroit, une
femme rend visite à son mari dans le coma lui aussi. Bientôt les
conjoints esseulés comprennent qu'ils n'auraient jamais dû se
rencontrer, et qu'un amour peut en cacher un autre ! Face au silence de
leurs époux infidèles, ils vont se lier l'un à l'autre, puis, en toute
innocence déçue, devenir amants à leur tour.
April Snow est un drame psychologique au mélo épuré, racontant une histoire de chagrin et d'amour au carré.
Le film a un lien de parenté avec Les Choses de la vie de Claude Sautet
; il évoque l'impossibilité du choix amoureux, son échappatoire à
travers l'accident de voiture et l'aveu d'un amour impossible. Comme
dans le film de Sautet, April Snow
met à l'honneur ceux qui restent, pleurent, souffrent, et luttent
contre le chagrin, l'amertume qui le teinte. Mais le film n'a pas
recours au flashback. L'action se déroule ici et maintenant, seul
importe le moment présent, puisque c'est tout ce qui reste. Tout
(re)commence de là, et c'est là qu'il faut composer. Composer, c'est ce
que font les époux blessés : ils font avec, et par des petits gestes
s'extraient de leur souffrance et s'attachent l'un à l'autre. A l'instar
du cinéaste qui filme par petites touches et micro-événements l'amour
qui renaît de ses cendres.
April Snow est aussi un hommage à la continuité de l'amour, l'amour assumé. Il rejoint le propos de Love Streams de John Cassavetes.
Mais le jeu d'acteur diffère. Il est tout en retenue, et suit le
mouvement de la souffrance rentrée qui s'exprime difficilement et se
transforme. Le texte est spartiate mais percutant, pas dans le flux.
Prenons la scène où la femme infidèle est sortie de son coma ; elle
retrouve enfin l'usage de la parole. Son mari, le personnage principal,
est à ses côtés dans la chambre d'hôpital. Sa femme demande : "Tu dois avoir pleins de questions à me poser... ?" Silence, le mari répond : "Au début oui, mais plus maintenant." Après un moment, il lui assène : "Ton amant (qu'il appelle de son prénom) est mort."
Suspension du bruit et du temps, stupeur filmée en plan large de sa
femme. Dans le plan suivant le mari sort de sa chambre et referme la
porte sur ses sanglots. Il se dirige vers la fenêtre du bout du couloir,
au bord de laquelle il se poste, pensif et ailleurs. La scène suivante
nous le montre assis dans son appartement parmi des cartons de
déménagement. La narration de ce passage est virtuose et l'émotion
complète. L'épouse infidèle est à son tour plongée dans le chagrin, et
le fait de l'évoquer (en son off) induit le respect et la compassion à son égard. Il n'y a pas de manichéisme possible en termes de sentiments.
Enfin
le jeu de l'autre, la femme trompée, à la grâce timorée d'une fleur
fragile, pudique, qui se déploie. Pas de crise, sauf une de larmes (l'effet dans la scène concernée est d'ailleurs très appuyé) ni d'hystérie. Mais pas la force de vie d'une Gena Rowlands,
pas son charisme chez ce personnage de femme faible. Une certaine
présence certes, mais un tantinet insignifiante ou exaspérante
d'abnégation. Mais c'est une affaire de moments, de goût et de mœurs.
La mise en scène de Hur Jin-ho
est subtile, maîtrisée, à l'excès parfois, mais elle n'en reste pas
moins efficace : l'émotion est au rendez-vous. La confusion des
sentiments demeure, ainsi que la justesse avec laquelle elle est
transposée dans ce film. On eût aimé qu'il fut moins linéaire peut-être,
que les choses fussent plus ambiguës pour qu'elles ressemblent encore
plus à la vie. Mais l'amour parfois sait où il va.
Critique rédigée par ADel
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