Avec Miller's Crossing et Fargo, The Big Lebowski est généralement considéré comme l'un des meilleurs films des frères Coen. Ce candidat à l'"Ours d'or" de la 48e édition de la Berlinale (la même année que Jackie Brown de Quentin Tarantino) fait même l'objet, contrairement aux deux précédents, d'un véritable culte* de la part d'un nombre très significatif de cinéphiles. Et cette réputation n'est pas usurpée. Entre comédie noire et polar parodique et absurde, ce septième film du duo (huitième si l'on ajoute leur scénario pour Crimewave de Sam Raimi) est avant tout jubilatoire. Truffé de références littéraires et cinématographiques, à commencer par The Big Sleep de Raymond Chandler, il offre également une des plus belles brochettes d'acteurs dans des rôles inhabituels et surprenants.
Alors que la première guerre du Golfe vient d'être déclenchée, Jeff Lebowski qui préfère être appelé le Dude est attendu chez lui par deux petites frappes venant lui réclamer, sans ménagement, l'argent dû par sa femme. Mauvaise pioche, 'Dude', oisif notoire qui passe le plus clair de son temps à jouer au bowling et à siroter des White Russians, n'est pas marié et n'a pas un dollar en poche. Il s'agit en réalité d'une méprise, le Lebowski en question devant être le millionnaire résidant à Pasadena. Mais pendant l'houleuse empoignage, l'un des deux hommes de main a uriné sur la carpette qui "donnait de la cohésion à la pièce". 'Dude' se rend alors chez son homonyme paralytique pour lui demander des comptes et après une discussion de sourds, retourne chez lui en "empruntant" un des tapis persans de la résidence. Avant de partir, il croise Bunny, la fameuse épouse, au demeurant mal assortie, du propriétaire des lieux qui lui propose une prestation tarifée. Peu de temps après cette visite, 'Dude' est contacté par le secrétaire de Lebowski car Bunny a été enlevée et son mari souhaite le charger, moyennant rémunération, de remettre la rançon d'un million de dollars réclamée par les ravisseurs. Une opportunité inespérée de se faire un peu d'argent. Sauf lorsque l'ami, partenaire de bowling et vétéran du Viêt-nam Walter Sobchak décide de se joindre à la mission.
Inspiré, inventif et délirant, The Big Lebowski, dans la lignée de Raising Arizona, est un film savoureux et roboratif. On se laisse sans résistance prendre et dérouter par cette intrigue à tiroirs, nettement moins linéaire que celle de Fargo, sorte de succession de sketches émaillée de fausses pistes et de clins d'œil aux références du polar et du thriller, tels North by Northwest ou Chinatown. Il y aussi du Huckleberry Finn dans le personnage de l'anachronique baba-cool 'Dude' (philosophie "revitalisée" par le contemporain mouvement grunge) brillamment interprété par Jeff Bridges. Au chapitre du casting, John Goodman, un habitué du cinéma coénien, est bluffant dans son rôle, écrit pour lui, d'ancien appelé du Viêt-nam irascible, vindicatif et gaffeur. Notons également les prestations de Julianne Moore en artiste peintre féministe et allumée, de Steve Buscemi en candide victimisée, du prodigieux John Turturro dans la peau d'un latino pédéraste champion de bowling, les apparitions de Ben Gazzara et de Sam Elliott et la qualité et cohérence de la bande musicale.
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*et depuis 2002, d'un festival, le "Lebowski Fest" à Louisville (Kentucky) où se tiennent, chaque année, une nuit ininterrompue de bowling, des concerts et une projection du film.
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