vendredi 19 septembre 2003

Moonfleet (les contrebandiers de moonfleet)


"Le diable et moi sommes devenus bons amis."

 - film - 2514_2
Moonfleet marque le retour de Fritz Lang à la MGM pour laquelle il avait tourné son premier film américain, Fury (1936). C'est également son premier film en Cinémascope, format qu'il n'appréciait pas mais qu'il utilisa avec talent et l'une de ses rares œuvres en costumes de sa carrière. Enfin, il n'était pas destiné à être distribué en France, le studio le considérant comme mineur. C'est la mobilisation d'un groupe de cinéphiles qui permit sa diffusion dans une unique salle à Paris en 1960.
 - film - 2514_3
Ce préambule est nécessaire pour comprendre que Moonfleet ne constitue pas une ligne de plus dans la filmographie de son réalisateur. Il jouit d'un prestige particulier auprès d'un public, français notamment, qui mérite d'être souligné. Il ne figure pas dans la "short list" (pas si short !) de mes films préférés de Lang, mais, pour diverses raisons, il se situe en bonne place parmi les "outsiders". La première est que, tout en étant assez différent de ses autres films, on y retrouve des thèmes ou des ambiances chers au metteur en scène (dualité, mystère, imbrication du réel et du fantastique, un certain pessimisme... ). La seconde est qu'il a le charme des contes que l'on narre aux enfants lorsque l'on veut les séduire (aventure et chasse au trésor), tout en suscitant un peu de frayeur (fantômes, enfermement, bandits).
 - film - 2514_4
Le personnage principal est en effet un enfant, John Mohune, dont la caractéristique est qu'il refuse de voir la réalité de celui, Jeremy Fox, que sa mère a choisi comme tuteur ou qu'il est fasciné par son caractère aventureux. C'est quasiment le seul emprunt du réalisateur à l'ouvrage de Meade Falkner. C'est aussi la seconde fois qu'un rôle important est dévolu à un enfant chez Lang. Dans Man Hunt (1941) déjà, le jeune Vaner occupait une place de choix vis-à-vis du héros Thorndike.
 - film - 2514_1
Peu d'action dans Moonfleet (trois scènes, tout au plus dont une seule de combat à l'arme blanche) mais des atmosphères. D'emblée, dès les premières minutes, Lang crée un climat d'inquiétude par la vision de l'ange de pierre, qui a tout d'un démon (dualité), qui "règne" sur le mystérieux cimetière. Puis c'est la rencontre avec les contrebandiers (contre plongée verticale impressionnante) et enfin celle avec Jeremy Fox, le second personnage principal du film, dont le contraste avec ses hommes, malgré la violence dont il est capable, rend incroyable toute collusion. Mais nous sommes, aujourd'hui, habitué à ces réputés gentlemen qui frayent avec des individus peu recommandables. Le destin a scellé le sort de ce "renard" là, celui de se venger de la bonne société par la contrebande tout en faisant mine de lui appartenir. Sa mésaventure avec la mère de John Mohune, Olivia en a-t-elle été le déclencheur ? Probablement. Quoiqu'il en soit, c'est un personnage ambigu (dualité à nouveau), qui ne devient authentiquement sympathique qu'à la toute fin du film. C'est la maîtrise de tous ces éléments et la grande concision narrative du film qui en font sa qualité.
 - film - 2514_5
Seul film tourné avec Fritz Lang, Moonfleet est moins banalement flatteur pour l'acteur Stewart Granger qu'un Scaramouche (1952) ou qu'un Prisoner of Zenda, mais beaucoup plus intéressant pour évaluer ses qualités de comédiens (plus que de duelliste). Deuxième et avant-dernier film avec le réalisateur allemand pour George Sanders (après Manhunt et avant le prochain While the City Sleeps), encore dans un rôle de cynique raffiné, dont la cupidité est le moteur principal. A noter que Lang a choisi deux acteurs britanniques pour donner plus de véracité à une histoire qui se passe dans leur pays d'origine. Les personnages féminins sont typiquement langiens : érotisme débridé (dans les limites de la censure) et mutisme pour la gitane, érotisme et perversité sous un fard de respectabilité volubile pour Lady Ashwood. Le très joli thème musical signé Miklos Rozsa est enfin à souligner.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire