vendredi 12 septembre 2003

La Fleur du mal


"Ma pauvre chérie, ça fait des années qu'on vit comme des faux-culs."

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Gironde, années 40. Nous pénétrons dans un belle bâtisse bourgeoise. Dans l'entrée, au pied des escaliers, un vélo. Bref coup d'œil à gauche dans la salle à manger, puis nous montons l'escalier. En face, une porte fermée. Dans le couloir, nous regardons dans la deuxième chambre qui se présente à droite. Une jeune fille est assise par terre, tête baissée. La porte suivante s'ouvre sur la dépouille d'un homme, gisant à terre, sa main en sang posée sur le lit. Toute la scène se passe sur la chanson de Damia intitulée "Un souvenir". Un souvenir qui va durer soixante ans. Voilà résumé le cinquantième film de Claude Chabrol. Car tout le reste n'est qu'une manière de "noyer le poisson". Ou presque.
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On avait vu le réalisateur bien plus inspiré. Dans La Cérémonie par exemple, sans remonter trop loin dans le temps et pour demeurer dans une inspiration de faits-divers criminels ; celui-ci était le premier film de la collaboration avec la scénariste Caroline Eliacheff, adapté d'un roman de Ruth Rendell. Ici, c'est une affaire de la fin du XIXe siècle, le meurtre de ses deux parents par une jeune américaine, Lizzie Borden, finalement acquittée, qui est à l'origine de ce troisième scénario d'Eliacheff pour Chabrol. On apprendra que la jeune fille en question est devenue une sympathique mais troublée grande tante (Miche)Line, maîtresse de cérémonie sur une famille, les Charpin-Vasseur, coutumière de la recomposition interne depuis trois générations et, accessoirement, du "cinq à sept" régulier.
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Grand professionnel, le metteur en scène compose une galerie de portraits avec soin mais ne parvient pas à nous captiver vraiment avec cette pseudo énigme, sans rythme et avec beaucoup moins de charme visuel qu'il en a l'habitude (à l'exception du mouvement vertical de caméra qui encage Tante Line et Michèle au début du film). Il a voulu donner un accent politique à son récit, mais il agit davantage comme détournement d'attention que comme un supplément narratif. Plusieurs imprécisions ou invraisemblances apparaissent au détour de cette histoire : la justification, complexe, du premier meurtre était solide ; tel n'est pas le cas du second qui paraît n'exister que pour permettre une conclusion attendue. On ne comprend pas bien si la candidate à la mairie Anne Charpin-Vasseur est l'amante de son second de liste au démarrage du film ou si elle l'est devenue pendant son déroulement. Dans le premier cas, on ne s'explique pas l'utilisation du vouvoiement lorsqu'ils sont seuls en voiture (à moins qu'il ne soit de rigueur dans les relations professionnelles, comme dirait Gérard : "Toujours quand il s'agit de travail"). Dans le second, on ne sait pas quand (ni pourquoi, compte tenu de l'apparente intégrité de la "Jeanne d'Arc à la cuisse légère"... mais après tout, est-ce si important ?).
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Peu d'acteurs chabroliens dans ce film, en dehors de ses fils. Suzanne Flon est, comme toujours, excellente en Tante Line. Peut-être même trop si on compare sa prestation à celle des autres comédiens. Nathalie Baye est souriante mais pâlotte, Bernard Lecoq tient le cap (sur une mer calme !) en pharmacien coureur. Les jeunes Magimel et Doutey roucoulent. Seul Thomas Chabrol (qui, au passage, a emprunté le prénom de son frère) est convaincant en jeune politicien arriviste. C'est son frère, Matthieu donc, qui signe encore une fois la bande originale, d'inpiration classique, comme il le fait depuis 1982 et Le Fantômes du chapelier.

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