mardi 11 août 2015

Cornered (pris au piège)

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"Our objective is much the same as yours, we differ only in method."

Produit par Adrian Scott pour la RKO, ce polar sud-américain1 post-Seconde Guerre mondiale réunit une partie des équipes déjà à l'œuvre sur le récent Murder, My Sweet2John Paxton co-signe cette fois le scénario3 avec John Wexley (Angels with Dirty FacesHangmen Also Die!). La réalisation est confiée à , le rôle principal à . Dans le récit un peu touffu imaginé par Wexley, Laurence Gerard, capitaine démobilisé de l'aviation canadienne, se lance à la recherche de Marcel Jarnac, collaborateur vichiste présumé mort et assassin de plusieurs résistants français parmi lesquels la jeune épouse de Gerard. Les rares et faibles indices trouvés le conduisent d'abord en Suisse puis à Buenos Aires où semble s'être exilée Madeleine, la veuve de Jarnac. Il ne tarde pas à la rencontrer grâce à un inconnu nommé Melchior Incza, venu spontanément l'accueillir à l'aéroport pour lui proposer ses services de guide. Faute d'obtenir sa coopération, Gerard s'évertue à suivre Madeleine ; sur la base d'une information trompeuse, il entre en contact avec les membres, dont l'avocat Manuel Santana, d'une organisation s'étant fixé pour mission de neutraliser un groupe de nationalistes d'extrême droite.
On a souvent prétendu que l'argument sous-jacent du film, la lutte contre les reliquats du fascisme (au sens élargi du terme), trouvait sa justification dans les orientations politiques de ses principaux promoteurs4. Je crois cet opinion sans solide fondement. Le refuge d'anciens nazis en Amérique du Sud constitue une réalité historique ; en outre, plusieurs productions hollywoodiennes de cette époque développaient des thématiques comparables. La confusion, entretenue ou non, de sa narration handicape néanmoins sérieusement la compréhensibilité de Cornered. Certains aspects formels ( et le cinématographe Harry J. Wild jouant volontiers des ombres et reflets) finissent par prendre l'ascendant, provoquant ainsi un relatif désagencement nuisible à l'intérêt global du film. Passé, presque sans transition, de la comédie (souvent musicale) au polar (avec Murder, My Sweet déjà cité) interprète avec une conviction contenue ce jeune veuf à bout d'épuisement, uniquement motivé par sa soif de vengeance personnelle. A ses côtés, le natif austro-hongrois  (le major Erich von Keller dans This Land Is Mine de Jean Renoir et Willy dans Lifeboat d'), la Parisienne  (Siska dans La Kermesse héroïque) et le comédien-metteur en scène d'origine russe Luther Adler5, dans son deuxième rôle, parviennent quelque peu à émerger.
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1. tourné en studios à Hollywood (et, au début du métrage, dans les Bronson Caves notamment célèbres pour avoir ensuite servi de décors à la série télévisée Batman). 
2. deuxième adaptation du roman "Farewell, My Lovely" (1940) de  après celle très libre dirigée par Irving Reis pour le même studio (troisième de la série de seize films dédiés, entre 1941 et 1949, au détective Gay Lawrence, à son frère Tom puis à Michael Waring, tous trois surnommés 'The Falcon').
3. rédigé à partir d'un premier traitement non crédité de Ben Hecht.
4. Adrian Scott et , membres du Communist Party USA depuis 1944, feront partie des "Hollywood Ten" convoqués en 1947 par la House Committee on Un-American Activities. Luther Adler et  (ici titulaire du rôle de Manuel Santana) seront blacklistés.  avouera à cette occasion que l'expérience vécue pour Cornered contribuera à sa rupture avec le parti. Une des répliques de Jarnac souligne toutefois l'échec des Etats-Unis à lutter contre l'injustice mondiale et l'appauvrissement consécutive de nations, favorisant l'émergence d'individus de son espèce.
5. surtout connu au cinéma pour son rôle de Joe, l'un des quatre fils de Gino Monetti du House of Strangers (1949) de Mankiewicz.




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