vendredi 5 mars 2010

Tutto a posto e niente in ordine (chacun à son poste et rien ne va)


"C'est un règlement de compte."

 - film - 58430_5
Passé un peu inaperçu, notamment à l'étranger, entre Film d'amore e d'anarchia... et Pasqualino Settebellezze, Tutto a posto e niente in ordine mérite pourtant l'attention du cinéphile. La première comédie de Lina Wertmüller, Questa volta parliamo di uomini, ne pouvait dissimuler sa claire filiation avec le cinéma du méridional Ettore Scola. Cette huitième fiction assume de son côté pleinement, à partir de ses propres arguments, son ancrage dans la comédie satirico-sociale chère au maître toscan Mario Monicelli. Film de groupe, il mettait en évidence le Turinois Luigi Diberti, aperçu chez Mauro Bolognini ou Elio Petri (La Classe operaia va in paradiso) avant de tenir le second rôle de Pippino dans Mimì metallurgico ferito nell'onore.
 - film - 58430_8
A peine descendus du train qui les a amenés de leur campagne natale, Gigi et Carletto sont désorientés par l'effervescence milanaise. Ils croisent et viennent en aide à Adelina, arrivée de Sicile et désemparée de ne pas retrouver sa cousine Carmella Pisciotta dite Isotta sensée venir la chercher. Au cours de leur périlleux itinéraire au milieu de la circulation, Carletto est légèrement percuté par un cyclomotoriste. A la suite d'une brève altercation, celui-ci, à titre de dédommagement, lui abandonne l'engin qu'il avoue, du tramway dans lequel il vient de monter, avoir volé. Engagée comme employée de maison, Adelina rencontre dans une laverie automatique Biki, elle aussi domestique et ancienne collègue d'Isotta. Gigi et Carletto, recrutés dans un abattoir sont entraînés malgré eux dans une manifestation et appréhendés par les forces de l'ordre.
 - film - 58430_9
Lors d'une sortie en compagnie de Biki, Adelina et Anna Rosa, les deux provinciaux aperçoivent le cycliste sicilien qu'ils avaient croisé dix jours plus tôt lors de l'incident du deux-roues. Grâce à leur humour, ils réussissent à convaincre Mariuccia, jeune stagiaire dans une boutique de vêtements que Sante observe amoureusement, à se joindre à eux. Biki prend peu après l'initiative d'organiser dans un appartement vacant une colocation entre les membres de cette petite communauté de travailleurs rejoints par la lugubre cousine d'Anna Rosa puis par Sante et Mariuccia enceinte de ce dernier.
 - film - 58430_12
"Antiéconomique." En un peu plus de quatre-vingt dix minutes, Lina Wertmüller dévoile, à sa façon, le revers de la médaille du "miracle économique italien"(1). Les maux, nombreux (extrême pauvreté, conditions de travail et de logement, régulation des naissances...) y sont certes présentés avec humour mais ils révèlent cependant assez bien la fracture qui s'opère alors au sein de la population nationale(2). En particulier sous les effets clivant liés à l'exode rural, massif à cette époque. Les contradictions de ces jeunes et insouciants protagonistes, tiraillés entre tradition et modernité, le dénuement et le prégnant modèle de consommation, rationalité et illusion, moralité et transgression sont finement ciselées par Wertmüller, laquelle opte pour une mise en scène où alternent et s'opposent aussi réalisme documentaire et pur délire (poétique ?). S'apparentant bien souvent à un happening improvisé, pour ne pas dire bordélique (comme le suggère d'ailleurs le titre). Au risque d'un rapprochement acrobatique, Tutto a posto e niente in ordine se situe quelque part entre le post-médiéval Il Decameron (cité dans le film) et le plus mature Amici miei de Monicelli. On pourrait être plus mal entouré !
___
1. comme l'avait notamment anticipé Nanni Loy dans Audace colpo dei soliti ignoti et le fera ensuite Ettore Scola avec Brutti sporchi e cattivi.
2. plaisamment tempérée par le gimmick de la jeune femme riche, métaphore néanmoins d'une réussite inaccessible.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire