jeudi 18 mars 2010

La Campagne de Cicéron


"L'intelligence n'est pas le moyen le plus subtil, ni le plus puissant, ni le plus approprié pour s'approcher de la vérité."
 
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Troisième et dernier long métrage de Jacques Davila, disparu l'année suivante, La Campagne de Cicéron est co-signé par Gérard Frot-Coutaz (décédé lui en 1992), cinéaste(1) avec lequel il avait écrit Beau temps mais orageux en fin de journée quatre ans plus tôt. Cette comédie dramatique, réellement plaisante et inventive, s'inscrit sans ambages dans la tradition naturaliste et dialoguée du cinéma français. Longtemps considéré comme perdu, le film détenu par la Cinémathèque de Toulouse a fait récemment l'objet d'une restauration numérique confiée au laboratoire bolonais L'Immagine Ritrovata(2).
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Victime d'une chute du premier étage en réalisant des travaux dans la maison d'Hermance, Christian apprend qu'il est renvoyé de la troupe de théâtre avec laquelle il était en répétition. Il quitte peu après son amante Françoise pour partir à la campagne chez son amie compositrice Nathalie. Un peu lunatique et portée sur la boisson, la jeune femme angoisse à l'idée de l'arrivée prochaine d'Hippolyte, directeur de la musique au ministère de la culture, rencontré à trois reprises et qu'elle a, selon elle inconsidérément, invité à passer quelques jours dans l'Aude. Entre ses randonnées à vélo ou à pied, le récit de ses aventures plus ou moins exotiques et le sommeil, le convive ne trouve pas le temps de s'occuper de son amoureuse, très perturbée par cet inattendu détachement.
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Rien de martial, malgré l'impression immédiate suggérée par son titre, dans La Campagne de Cicéron ; le lien éventuel avec le consul et auteur romain(3) reste d'ailleurs énigmatique. Cette "farce" en trois actes, dont le préambule et l'épilogue sont marqués par une chute, semble en revanche bien inspirée par la célèbre "Habanera"(4) du "Carmen" de Bizet dont on entend un extrait dans la dernière partie. La simplicité et une certaine candeur rohmériennes caractérisent en effet ce marivaudage, laissant place au détour de ces différents abouchements à une gravité solennelle, poétique ou abstraite. Déjà titulaire d'un second rôle dans Qui trop embrasse... aux côtés de Michel Gautier puis dans Beau temps mais orageux..., Tonie Marshall occupe ici une place prépondérante. La justesse de sa prestation, dans un registre certes légèrement étroit, étouffe un peu celle de Jacques Bonnaffé (qu'elle mettra en scène dans Vénus beauté) mais renforce la tonalité volontairement tragique de Judith Magre. Un film à découvrir pour ceux qui ne le connaisse pas ; les autres sont d'avance convaincus.
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1. les deux réalisateurs ont participé au collectif L'Archipel des amours et collaboreront à nouveau ensemble sur Après après-demain.
2. qui a également œuvré sur Giu la testa, Pierrot le fou et Lettre à la prison.
3. la question, posée par Hyppolyte, n'obtient pas de réponse (Cicéron est une petite localité entre Camplong-d'Aude, où s'est déroulée une partie du tournage, et Lagrasse). Christian occupe cependant une position qui rappelle un peu celle de l'homo novus philosophe, égaré et ballotté au cœur la mêlée.
4. "L'amour est un oiseau rebelle/Que nul ne peut apprivoiser/Et c'est bien en vain qu'on l'appelle/S'il lui convient de refuser/Rien n'y fait, menace ou prière/L'un parle bien, l'autre se tait/Et c'est l'autre que je préfère/Il n'a rien dit, mais il me plaît..."

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