"Les secrets sont toute ma vie."
Entre deux volets de sa future trilogie Batman, Christopher Nolan s'est donc attelé à la réalisation de The Prestige, adaptation (convoitée par Sam Mendes !) du roman de l'écrivain britannique Christopher Priest paru en 1995. Une production moins ambitieuse sur le plan commercial* que celles consacrées au super-héros imaginé par Bob Kane et Bill Finger, laissant au cinéaste et à son cadet Jonathan, déjà co-scénariste de Memento,
la possibilité de donner libre cours à leur penchant pour la narration
dédaléenne. Le public français n'a réservé au film qu'un modeste succès
d'estime puisqu'entré en sixième position, il n'est resté qu'une semaine
dans le top ten du box-office.
Alfred Borden, magicien réputé sous le nom de 'The Professor', est jugé à Londres pour le meurtre de Robert Angier, dit 'The Great Danton'. Seul témoin de la noyade de celui-ci au cours de l'un de ses tours, Borden
risque la pendaison en raison de la longue et notoire rivalité qui
opposait les deux artistes. A l'origine de cette rude opposition, le
décès de Julia, la jeune épouse d'Angier, à l'époque où ce dernier et Borden débutaient dans la discipline en assistant leur aîné Milton. Un avocat nommé Owens rend visite à Borden dans la prison où il est incarcéré. Son client, Lord Caldlow, propose de devenir le tuteur de Jess,
la fillette du condamné, lui évitant ainsi l'orphelinat, en échange de
la révélation de ses tours de magie. En particulier celui baptisé "The Transported Man" dont le secret était devenu l'objet d'une véritable obsession pour Angier.
Si les personnages de Christopher Priest se livrent volontiers à la mystification, les frères Nolan
aiment eux manipuler les histoires et, par conséquent, les spectateurs.
A partir d'un roman essentiellement épistolaire, les scénaristes se
livrent à un travail méticuleux de déstructuration de la narration. Les Nolan auraient-ils découvert la légendaire machine de H.G. Wells ? Trois époques se télescopent en flash-back tout au long (plus de deux heures tout de même !) du film, participant à une étrange annihilation de la temporalité. Il n'est pas certain que The Prestige
y gagne en... séduction. Le roman recelait pourtant une richesse
thématique et cinématographique incontestable. Une rivalité humaine et
vengeresse primordiale entre un roturier froid et méthodique et un
aristocrate éloquent et calculateur, le sacrifice, la figure du double,
l'exploration de la délicate frontière entre ésotérisme (et hermétisme) et science notamment. Le septième art n'est-il précisément pas le fils prodig(u)e de la magie ? Georges Méliès,
le père de la fiction au cinéma, était en effet prestidigitateur et
directeur du théâtre Robert Houdin avant de fonder sa maison de
production. De toute évidence, The Prestige en est moins l'héritier que Sleuth de Mankiewicz avec lequel la présence de Michael Caine n'est pas l'unique point commun.
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*doté d'un budget de 40M$ (150M$ pour Batman Begins), le cinquième long métrage de Nolan
a enregistré une peu plus de 106M$ de recettes dont la moitié hors des
Etats-Unis, contre 371M$ (45% à l'étranger) pour le film précédent.
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