dimanche 12 septembre 2004

Les Gens normaux n'ont rien d'exceptionnel


"J'ai un problème d'existence."

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Après plusieurs courts métrages reconnus ou primés, Les Gens normaux n'ont rien d'exceptionnel est le premier long de Laurence Ferreira Barbosa. Une première œuvre attachante qui révèle Valeria Bruni Tedeschi, l'actrice sur laquelle repose, pour l'essentiel, le film. Présenté au Festival international du film de Locarno en 1993, la réalisatrice, nommée pour le "Léopard d'or", reçoit le "prix du jury œcuménique" et V. Bruni Tedeschi, un "prix spécial" pour son interprétation. La cérémonie des Césars 1994 désigne, pour sa part, l'actrice, meilleur espoir féminin (mais préfère Olivier Martinez pour Un, deux, trois, soleil et L'Odeur de la papaye verte comme, respectivement, meilleur espoir masculin et meilleure première œuvre).
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Martine (V. Bruni Tedeschi) travaille, sans conviction, dans une équipe de vente par téléphone. Elle a une brève aventure avec Jean (Frédéric Diefenthal), un collègue. Mais, en réalité, elle ne se remet pas de sa rupture avec François (Serge Hazanavicius) avec lequel elle a vécu pendant trois ans. Après avoir provoqué une rencontre qui tourne à l'altercation avec son ancien amant, accompagné de sa nouvelle petite-amie, elle frappe volontairement de la tête la vitre d'un commerce et perd la mémoire. Hospitalisée puis confiée à un établissement spécialisé pour les troubles mentaux, elle va progressivement devenir active pour aider les membres de son nouvel environnement : Anne (Claire Laroche), maladivement introvertie, amoureuse de Germain (Melvil Poupaud) rencontré dans un magasin et Pierre (Marc Citti), casque de walkman collé en permanence sur les oreilles, malmené par son frère auquel il doit son internement et amoureux de Corine, passée du même établissement à un autre, pour malades plus sérieux.
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Une histoire, somme toute, malgré la galerie de personnages, assez simple, mise en scène avec, certes, quelques maladresses mais également intelligence et maturité. Le film traite, en filigrane, de la relation complexe entre normalité et dérèglement mental, névrotique ou psychotique, à travers le personnage de Martine qui choisit de prolonger son séjour dans un asile. Pour quelle(s) raison(s) le fait-elle ? Parce qu'elle est désemparée, au sens étymologique du terme, et ne peut affronter le monde réel. Une fois intégrée dans une collectivité "fictive", débarrassée des contingences triviales, elle est en mesure de s'occuper d'elle et, surtout, des autres, révélant ainsi sa vraie nature, la générosité. Le titre, Les Gens normaux n'ont rien d'exceptionnel, est donc, peut-être pour cette raison, à prendre au pied de la lettre. Par ailleurs, le film dresse le portrait, à la fois drôle et triste, d'un monde où règnent la solitude et l'incommunicabilité. L'étrange scène de dialogue entre Martine et le vieux patient de l'institution en est la plus intéressante et contradictoire illustration. Sur le plan de la réalisation, les réécritures du scénario sont assez sensibles. L'efficacité du film en souffre avec des raccourcis surprenants, qui se traduisent parfois par des transitions et un montage acrobatiques, et quelques longueurs à la signification incertaine. En revanche, le contraste sonore (délibéré ou involontaire) entre la ville et l'asile est un bel atout esthétique. L'interprétation en est également un. Aperçue dans La Baule-les-Pins de Diane Kurys, V. Bruni Tedeschi, ici omniprésente, apporte beaucoup par sa dualité mélancolique et tonique. On est juste un peu gêné par ses fous-rires qui peuvent, bien sûr, servir son personnage mais aussi donner un côté artificiel à sa composition. Belle prestation des seconds rôles Jackie Berroyer, qui a aussi participé à l'écriture du scénario, et Marc Citti, le premier dans ses classiques circonvolutions verbales redondantes, le second dans sa folie doucement pathétique (ou pathétiquement douce, au choix).

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