jeudi 2 septembre 2004

Basic Instinct


"Il n'y a qu'un fou pour reconnaître un fou."

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Quatrième film américain du néerlandais Paul Verhoeven, Basic Instinct restera essentiellement comme le film ayant révélé (à tous les sens du terme) Sharon Stone, avec sa fameuse scène d'interrogatoire (laquelle posait plus question, au singulier, qu'elle n'apportait de réponses !) devenue sa métaphore incontournable. Il est aussi vraisemblable que, sans la prestation de son actrice principale, il aurait connu un succès nettement moins important (n°2 du box-office US derrière Wayne's World), limitant son ambition à un modeste polar sexué, violent et "thrillisant", doté d'une jolie chute (de rein ?). Car Verhoeven est, contrairement à son modèle Hitchcock, un cinéaste appliqué mais sans réel génie, plus audacieux qu'authentiquement original. Comme c'était déjà le cas dans ses premières oeuvres européennes ou dans Flesh & Blood, sexe et violence sont les teintes dominantes de sa "palette de couleurs". Nous sommes, résolument, dans un cinéma de l'explicite, ce qui n'est pas un défaut en soi, mais limite les ambitions artistiques.
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Une ancienne rock star, Johnny Boz, reconvertie en patron de boîte de nuit, est retrouvée assassinée de trente et un coups de pic à glace. Le lieu, la tenue et les indices relevés ne laissent planer aucun doute sur l'activité de la victime juste avant l'homicide (le spectateur y a assisté, mais sans pouvoir reconnaître sa blonde meurtrière). Les soupçons se portent sur l'écrivain et désormais ex-petite amie de Boz, la blonde Catherine Tramell (Sharon Stone), d'autant que son dernier roman, "Love Hurts", comporte une scène identique aux circonstances du crime. Modèle ou alibi ? Les inspecteurs Nick Curran (Michael Douglas) et Gus Moran (George Dzundza) sont chargés de l'enquête. La piste Tramell est rapidement écartée après interrogatoire et passage au détecteur de mensonge. Mais Curran, mis en congé provisoirement, s'obstine à poursuivre dans cette voie, surtout parce qu'il est fasciné et physiquement attiré par la jeune femme, laquelle ne manque pas de "l'allumer" à l'occasion, prétextant utiliser son personnage de "Shooter" pour son prochain livre. Curran est, en effet, un flic impulsif, à la limite de la névrose, meurtrier officiellement innocenté de deux touristes au cours d'une opération à l'époque où il travaillait au département des "Stupéfiants". Il a régulièrement la police des polices après lui pour ses comportements violents et imprévisibles. Suivi par le Dr. Beth Garner (Jeanne Tripplehorn), une psychologue de la S.F.P.D. avec laquelle il a eu une aventure, il succombe bientôt aux charmes de Tramell, pour le meilleur... et pour le pire.
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Après la torride scène inaugurale, le film prend les apparences d'un paisible épisode de la série Streets of San Francisco, mais sans Karl Malden, jusqu'à l'entrée en scène du personnage de Catherine Tramell. On comprend alors, dès son premier sourire malicieux, que cette femme blonde va littéralement vampiriser l'écran et titiller nos instincts les plus primitifs. Car quoi de plus délicieux (et agaçant !) que de voir une belle et piquante femme émancipée, prodigieusement intelligente, se jouer de ses protagonistes masculins (il est vrai, plutôt pâlots et libidineux) avec tous ses atouts. Dans cet esprit, les moments les plus faibles du film sont justement ceux qui tentent de nous la montrer sous le jour de la faiblesse. Crudité des images précédée par celle des mots, les dialogues dans la première partie du film sont, pour l'essentiel, rythmés par des allusions (comme le fameux "Je n'ai rien à cacher" à double-sens lancé par Tramell avant l'interrogatoire) ou expressions d'ordre sexuel, symptôme verbal d'une violente tension érectile exprimant un désir difficilement contenu. Cinéma de l'explicite déjà évoqué, Basic Instinct, dont le thème majeur est la manipulation (sans jeu de mots... quoique !) et la domination, repose pourtant aussi sur les faux-semblant. Il donne à voir lorsqu'il aurait fallu entendre (encore la scène de l'interrogatoire), ménage le flou avec la bisexualité du personnage principal (et d'un autre, secondaire) et, surtout, altère la séparation entre fiction et réel dans la mesure où les acteurs n'ont pas vraiment l'air de faire semblant pendant les séquences sexuelles.
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Le scénario ne parvient malheureusement pas à résoudre une équation fondamentale. Si les caractéristiques psychologiques de Nicky Curran, son déséquilibre et sa mauvaise conscience, sont importantes pour l'intérêt de la trame narrative, comme elles l'étaient pour le John "Scottie" Ferguson de Vertigo, le modèle de Verhoeven, elles le rendent finalement assez antipathique, au point que le spectateur se moque presque de son sort*. Un mot sur l'interprétation et le score. On ne revient pas trop longuement sur Miss QI 154, déjà présente dans Total Recall, le précédent film du réalisateur. Elle se laisse juste un peu de place pour faire mieux dans Casino, ce qui n'est pas peu dire. De son côté, Michael Douglas, qui sera, on le sait, le jouet de l'autre symbole érotique hollywoodien des années 1990, brune celle-là, Demi Moore dans Disclosure, est nettement moins convaincant, tout à sa brutale crispation intérieure. Une mention spéciale à ce précieux second rôle qu'est George Dzundza, grand frère du très bon John Goodman dans ce registre. Signalons également la présence de Dorothy Malone dans quelques scènes. La partition de Jerry Goldsmith est, quant à elle, efficace, d'inspiration volontairement herrmannienne, mais pas aussi brillante que nombre de ses autres compositions.
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*notamment au moment de ce qui semble être la répétition de la scène inaugurale.

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