jeudi 12 août 2004

Piano Blues


Piano Blues, ultime volet de la série The Blues, n'a pas connu d'exploitation dans les salles françaises. Il n'est pas, il est vrai, malgré la qualité des intervenants, le meilleur représentant du projet imaginé par Martin Scorsese. Il s'agit d'un documentaire prétendument didactique mais qui échoue dans son ambition et ressemble, par bien des aspects, à une compilation d'artistes et d'oeuvres comme en produit parfois la télévision de divertissement sous la rubrique "talk show" aux Etats-Unis ou "variétés" en France.
Clint Eastwood, en maître de cérémonie doté de quelques menus talents de pianiste mais d'un amour sincère et d'une connaissance réelle de la musique populaire américaine, invite plusieurs pianistes de blues (ou de jazz), Ray Charles, Dave Brubeck, Dr. John, Marcia Ball, Pinetop Perkins, Henry Grey, Jay McShann, Pete Jolly, à s'exprimer sur le genre musical, son histoire et leur propre apprentissage et expérience en paroles et en notes. Ces échanges, apparemment impromptus, sont également l'occasion d'évoquer les principaux artistes de l'histoire du blues*, évocations illustrées par des archives de concerts ou d'émissions télévisées.
De facture beaucoup plus conventionnelle que The Soul of a Man, Piano Blues, dont le concept (l'histoire du blues par des témoignages et des images) est clairement énoncé dès le début, souffre de deux faiblesses majeures. La première est la longueur du film, handicap renforcé par la seconde, sa relative uniformité. L'alternance de conversations, de prestations en direct et d'extraits ou de l'intégralité de documents d'archives devient assez vite monotone. D'autant que l'on apprend pas grand chose en dehors de quelques anecdotes. Et ce ne sont pas les phrases sentencieuses mais creuses du narrateur Eastwood, servant de pseudo transition, qui nous réconfortent. La mise en images est également un peu approximative (cadrage, flou, choix des plans... mais peut-être s'agit d'une volonté délibérée de "home-cooked", "faire à la bonne franquette") et l'on regrette que les titres, lieux et dates n'apparaissent pas avec les archives présentées. Reste le plaisir de découvrir ou retrouver des musiciens qui ont façonné la musique moderne, seul apport culturel significatif des Etats-Unis à l'entreprise humaine (dixit Eastwood lui-même !). Etait-ce une raison suffisante pour clore Piano Blues avec un hymne patriotique américain ("America the Beautiful") interprété en concert par Ray Charles accompagné d'un grand orchestre ? Décidément, Clint Eastwood n'est pas à un paradoxe près. Le blues n'est-il pas une expression fondamentalement universelle ? A moins que le réalisateur et acteur ne soit devenu définitivement politiquement correct !
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*par ordre d'apparition : Meade Lux Lewis, Pete Johnson & Albert Ammons, Martha Davis, Eugene Rogers & Dorothy Donegan, Duke Ellington, Big Joe Turner, Joe Adams, Art Tatum, Oscar Peterson, Nat King Cole, Professor Longhair, Fats Domino, Muddy Waters, Otis Spann, Jesse Price, Phineas Newborn Jr., Count Basie, Thelonious Monk, Charles Brown, André Prévin. Que les éventuels oublis me soient pardonnés par les intéressés... et les lecteurs.

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