vendredi 7 mai 2004

Witness for the Prosecution (témoin à charge)


"Mentiez-vous avant, ou maintenant ?"

L'année 1957 marque un tournant dans la carrière de Billy Wilder. Après une longue association avec Charles Brackett, le scénariste, producteur et réalisateur entame une collaboration avec l'écrivain d'origine roumaine I.A.L. Diamond. "Les deux hommes se complètent parfaitement. L'esprit acéré de Diamond permet à Wilder de mieux puiser dans ses ressources émotionnelles" (George Morris). La première production du tandem est Love in the Afternoon. On y découvre un Wilder toujours aussi caustique, voire violent, mais il se laisse aussi gagner par la tendresse et la joie. Etrangement, Diamond ne participe pas au film suivant, Witness for the Prosecution, pour une raison qui reste inexpliquée. De fait, le film est la dernière œuvre de Wilder sans son nouveau partenaire.
L'avocat Sir Wilfrid Robarts (Charles Laughton) rentre à son cabinet londonien après une longue hospitalisation pour des problèmes cardiaques. Il est accompagné par Miss Plimsoll (Elsa Lanchester), une infirmière chargée de veiller sur lui pendant sa convalescence. A peine est-il arrivé qu'il se voit proposer une affaire criminelle, la défense de Leonard Stephen Vole (Tyrone Power), un inventeur sans emploi et sans le sou, soupçonné du meurtre d'Emily French, une veuve dont il avait fait récemment la connaissance. Après avoir rappelé les circonstances de cette rencontre, Vole clame son innocence. Son épouse, Christine (Marlene Dietrich), doit pouvoir témoigner de son retour à son domicile un peu avant 21h30, alors que le crime a été commis un peu plus tard. Convaincu, notamment pour l'absence de motif, même si le témoignage de la femme de Vole ne soit, légalement, pas considéré comme une preuve, Robarts ne peut toutefois accepter d'assurer la défense de Vole, ses médecins lui interdisant les affaires criminelles, trop éprouvantes. C'est son collaborateur, Brogan-Moore, qui en sera chargé. Peu après, Vole est arrêté par l'inspecteur divisionnaire Hearne dans le bureau de Robarts. Hearne apprend à tout le monde que Vole est légataire testamentaire d'Emily French à hauteur de quatre-vingt mille livres. L'argument du désintérêt ne tient plus.
Après le départ d'Hearne et Vole, Robarts et Brogan-Moore reçoivent la visite de Christine Helm Vole. Il apparaît rapidement qu'elle n'est pas aussi amoureuse de son mari que l'annonçait celui-ci, elle pourrait même lui être hostile, au point de pousser les deux avocats à ne pas retenir son témoignage pendant le procès. Intrigué, Robarts revient sur sa décision initiale et s'occupera personnellement de l'affaire. Les choses se compliquent lorsqu'il rend visite à Vole en prison et apprend la présence de sang sur le vêtement porté par l'accusé le jour du meurtre. Vole déclare s'être coupé accidentellement. Il en profite pour évoquer les conditions de sa rencontre, à l'époque où il était militaire de la RAF à Berlin, avec sa futur épouse, une allemande dans la misère qui voit dans ce mariage l'opportunité de quitter son pays en ruine et d'améliorer sa situation. Le procès commence. Coup de théâtre pendant les audiences : l'avocat de la partie civile appelle Christine Helm Vole à la barre.
Ce qu'il y a d'agaçant avec Billy Wilder, c'est qu'il est un touche à tout de génie. Comédie, bien sûr, drame, romance, film noir... Witness for the Prosecution, construit en deux parties(1) autour du thème du mensonge, est à la fois un film de cour de justice et un thriller, avec les inimitables respirations comiques du metteur en scène. Wilder invente, d'ailleurs, dans ce but, le personnage de Miss Plimsoll, absent dans la pièce d'Agatha Christie. Witness for the Prosecution est une courte histoire parue en 1933 portée au théâtre par l'auteur en 1953, la première ayant eu lieu le 28 octobre au London's Winter Garden Theatre. Le film est probablement la meilleure adaptation cinématographique tirée de l'œuvre de l'écrivain britannique. A partir d'un matériau narratif déjà solide, Wilder, qui se permet d'ajouter un ultime rebondissement(2), s'adonne magistralement à son goût pour les jeux de rôles sur un ton léger. C'est le personnage de Sir Wilfrid Robarts qui focalise toutes les prouesses verbales et visuelles, rôle confié par un admirateur à l'ami Charles Laughton avec lequel il n'a pourtant pas encore tourné. L'acteur est, comme à son habitude, époustouflant de virtuosité et de tonicité(3). Son épouse, Elsa Lanchester(4), lui donne une réplique qui donne une tonalité de divertissement au film, dans un rôle destiné également à guider les réactions du public pendant le procès. Dernier film de Tyrone Power, emporté par une crise cardiaque l'année suivante, qui incarne à la fois la désinvolture, le désarroi et l'amour fou avec talent. Wilder retrouve pour la seconde et dernière fois Marlene Dietrich, après A Foreign Affair, dans un de ses rôles (complexes) de vipère qu'elle a tenu au cours de sa carrière.
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1. et exposition grâce à deux flash-back.
2. une annonce, pendant le générique de fin, invite les spectateurs à ne pas révéler la fin du film.
3. malgré l'état de santé du personnage ! Incertain sur sa capacité de tenir le rôle d'un malade cardiaque, Charles Laughton a simulé une attaque dans sa piscine. Affolée, Elsa Lanchester, aidée par un invité, s'est immédiatement portée à son secours et ensemble l'ont sorti de l'eau. Ce n'est qu'une fois au sec que l'acteur a révélé son stratagème. L'histoire ne dit pas qu'elle fut la réaction d'Elsa.
4. récompensée par un Golden Globe du meilleur second rôle féminin en 1958.

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