lundi 10 mai 2004

Alexandre le bienheureux


"Et puis, je vais prendre le temps..."

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On connaît assez peu le Yves Robert acteur, rapidement passé à la réalisation pour échapper aux films médiocres qu'on lui proposait. Citons, tout de même, pour mémoire, des seconds rôles intéressants dans Les Grandes manœuvres de René Clair et dans Un Mauvais fils de Claude Sautet ou le clin d'oeil plus récent de Coline Serreau qui lui demande d'être le père de Vincent Lindon dans La Crise. Les plus âgés d'entre nous citent volontiers, à propos du metteur en scène, La Guerre des boutons, les autres Le Grand blond avec une chaussure noire ou le diptyque Un Eléphant ça trompe énormément-Nous irons tous au paradis. Entre ces deux époques, on trouve un étonnant film, bien dans l'air de son temps, cet Alexandre le bienheureux.
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Alexandre (Philippe Noiret) est un cultivateur qui possède, en Beauce, une belle et grande propriété. Hélas, il est sous la coupe de sa femme, La Grande (Françoise Brion) qui le fait marner et le surveille du matin au soir... et même la nuit. Bien qu'il soit un véritable colosse, Alexandre est un gentil rêveur qui aspire plutôt à se reposer et à contempler la faune et la flore. Son ami Sanguin (Paul Le Person) lui offre un petit chien, mais par crainte de La Grande, il n'ose le ramener chez lui. Un matin, son épouse se rend à l'enterrement d'un parent et meurt dans un accident de voiture. Alexandre est enfin libre. Il relâche tous les animaux de la ferme et se couche. C'est Le chien qui fait les commissions et remplace son maître au réunion du conseil municipal. Après deux mois à ce train immobile là, Sanguin organise la "résistance" pour le faire enfin lever. Il n'arrive qu'à susciter des vocations d'Alexandrins*, sortes de chantres d'une existence de la "récupération", sans travail ni contrainte. Agathe (Marlène Jobert), la jolie commis-épicière, qui, elle aussi, a des dispositions certaines pour la paresse, parviendra-t-elle à séduire Alexandre ?
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"On ne peut pas dormir deux mois sans être dérangé ?!" Alexandre le bienheureux est une sympathique fable rurale, légère et drôle. A l'image de cette époque des "Trente glorieuses", insouciantes, laborieuses et prospères, que vivait encore la France au moment du tournage. Mais le film annonce déjà, à sa manière, le vent de contestation qui allait bientôt la secouer. Deux conceptions du bonheur s'opposent. Alexandre est l'apôtre, caricatural, d'un hédonisme, voire d'un eudémonisme et, avant la lettre, d'une écologie. Moraliste de l'oisiveté (ou hérétique**) sans prosélytisme, il parvient, sans effort, à créer des émules. Curieusement, tout cela a plutôt bien vieilli. Mis en scène sans esbroufe, mais avec habileté, c'est surtout une splendide bouffée d'oxygène que nous procure le film. Il repose, pour l'essentiel, sur un Philippe Noiret très crédible en force de la nature (plus nature que force), simple mais intelligent et talentueux bonhomme tout en rondeurs et en gentillesse. Belles prestations de Paul Le Person, un acteur que l'on reverra trois autres fois chez Yves Robert,... et du chien Kaly. Si vous n'avez jamais vu un canidé pêcher et jouer au football, c'est, au moins, une bonne raison de voir le film ! Une autre raison ? Le thème musical de Kosma et sa chanson joliment interprétée par Isabelle Aubret. Encore une ? Vous êtes exigeants !! Si vous continuez, je vais aller me coucher, moi ! C'est dans ce film, le premier réellement significatif pour Pierre Richard, qu'est peut-être né François Perrin, le personnage du Grand blond.
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*création de l'auteur de la critique.
**du "Travaillez, prenez de la peine : c'est le fonds qui manque le moins." in "Le Laboureur et ses Enfants" de Jean de la Fontaine.

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