lundi 15 mars 2004

Saam gaang (3, histoires de l'au-delà)


"Parce que je pouvais compter sur toi."

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Riche et bonne idée que celle de réunir trois moyens métrages de nationalités différentes mais qui partagent un même thème, celui de la relation fantastique avec les morts. Quatrième film du sud-coréen Kim Jee-Won, qui a récidivé dans le même genre, l'année dernière, avec un étonnant Janghwa, Hongryeon, Grand prix du Festival de Gerardmer 2004 (sur nos écrans le 16 juin prochain). Même score pour le thaïlandais Nonzee Nimibutr, dont les oeuvres sont inédites en France, et première incursion dans le fantast-horrifique. Le maitre d'œuvre du projet, l'ancien assistant de John Woo, l'éclectique Peter Ho-sun Chan, hong-kongais né en Thaïlande, possède une expérience plus importante. Egalement producteur (notamment du Jan Dara de Nimibutr), il est surtout connu pour son drame romantique Tian mi mi de 1996. San geng, ce sont trois histoires issues de trois cultures et sensibilités, complémentaires plus que disparates. Mais...
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Souvenirs : Un couple, dont l'harmonie est, apparemment, en crise, réside dans une ville nouvelle, encore en chantier. Un jour, le mari a d'étranges et morbides visions et un pressentiment néfaste concernant son épouse. Celle-ci sort d'un évanouissement sur une petite route et semble souffrir d'amnésie. Elle se met à la recherche de son identité et de sa famille.
La Roue : Une étrange malédiction semble frapper les possesseurs d'une marionnette et leur entourage.
Chez nous : M. Chan, un policier, et son fils emménagent dans un immeuble presque vide puisqu'il doit être détruit dans un mois. Les derniers résidents sont le gardien et un couple de médecins avec un enfant, les Yu, dont la femme est paralysée. Un soir, le fils de Chan, de retour de l'école, part jouer avec la jeune voisine et ne rentre pas chez lui. Son père se met à sa recherche et, naturellement, interroge M. Yu qui lui affirme ne pas avoir de fille et n'avoir pas vu son fils. Perplexe et insistant, Chan va, dans des conditions pénibles, découvrir l'incroyable secret de la famille Yu''.
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On peut dire, sans se tromper, que Hideo Nakata est l'initiateur d'un renouveau du fantastique en Asie. Honogurai mizu no soko kara (plus que Ringu) de ce dernier et Kaïro de Kiyoshi Kurosawa sont deux oeuvres emblématiques du cinéma japonais du début des années 2000 qui ont influencé les jeunes réalisateurs du continent. D'autant que la mort et les fantomes y ont une dimension bien plus importante et une signification bien différente que dans notre occident cartésien. Si, dans nos pays, le cinéma aborde ce thème, sous l'angle de l'épouvante, de manière très versatile (vampire, démon, mort-vivant, être créé...), il laisse, finalement, peu de place aux esprits (parfois à tous les sens du terme !). La spiritualité asiatique accorde, elle, plus d'espace aux défunts et à leur errance fantomatique. Le cinéma japonais possède même un genre qui leur est consacré, le "Kaidan eiga"*.
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Si "Souvenirs" et "La Roue" séduisent momentanément, l'un par son minimalisme et son esthétique, l'autre par sa forte coloration ethnique, ils finissent par décevoir par l'importance exagérée des ambiances au détriment du contenu narratif (les dialogues de "Souvenirs" doivent tenir sur une page), le jeu caricatural des comédiens et l'absence d'émotion. Kim Jee-Won va jusqu'à copier (plagier ?) quelque peu Nakata. C'est d'autant plus dommage que le réalisateur possède un évident savoir-faire technique et esthétique. Quant au film de Nimibutr, c'est une authentique ellipse, avec retour en arrière (ce qui reste logique !). "Chez nous" est, clairement, le segment majeur. Il joue moins sur le registre purement horrifique des deux premiers. Peter Ho-sun Chan connait, visiblement à merveille, l'alchimie du récit fantastique : cadre d'une totale banalité, succession de périodes calmes et heurtées, identification du spectateur à un personnage rationnel plongé dans un environnement insensé. Porté par un beau scénario**, intelligent et efficace parce qu'universel, avec une montée progressive et maitrisée des émotions et servi par une interprétation sans faille (Eric Tsang et Leon Lai qui a abandonné son statut de chanteur glamour), "Chez nous" est une oeuvre sensible et superbe. Il mérite, à lui seul, la vision de ce programme un peu inégal (la note attribuée tient compte de la qualité spécifique de ce dernier). Une dernière chose encore : Peter Chan a eu la brillante idée de bercer la fin de son film sur le très bel air, "Je crois entendre encore...", chanté en chinois, tiré des "Pêcheurs de perles" de Georges Bizet (monologue de Nadir - fin de l'acte I).
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*pour se faire une idée de la diversité du classement cinématographique japonais, citons le "Kaijû eiga" (film de monstres), le "DaiKaijû eiga" (films de monstres géants) qui ont fait la gloire de la Toho dans les années 1960 ou encore le "Yokai eiga" (films surnaturels).
**tiré d'un fait divers.

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