vendredi 19 mars 2004

Hitler: The Rise of Evil (hitler : la naissance du mal)


"Tout ce qu'il a découvert, c'est notre peur et notre haine."

Produit par Alliance Atlantis Communications* et diffusé au Canada et aux Etats-Unis (sur CBS) le 18 mai 2003, Hitler: The Rise of Evil n'a été programmé que le 28 janvier dernier dans la grille de TF1, dans une version écourtée par la chaîne**. C'est un film historique grand public mais sérieux, réalisé par un metteur en scène, le canadien Christian Duguay, que l'on imaginait pas dans un tel projet. Plus habitué aux téléfilms ou série B d'action, il s'était fait connaître, en 1991, par la médiocre sequel du film de David Cronenberg, Scanners. Il signe, avec ce téléfilm, une de ses meilleures productions.
La vie de l'homme et du partisan-politicien Adof Hitler (Robert Carlyle), de l'enfance à sa prise de pouvoir définitive et domination absolue en 1934. Né autrichien, peintre raté, engagé pendant la Première Guerre mondiale, il devient informateur pour l'armée dans une Allemagne ruinée par le conflit et humiliée par le traité de Versailles, dans laquelle luttent, pour mobiliser le peuple et diriger le pays, une gauche inspirée par la révolution russe et une droite nationaliste renforcée par des soldats démobilisés mais toujours armés. Chargé de surveiller le parti ouvrier allemand, Hitler en devient membre, prend la parole pour la première fois en public le 16 octobre 1919. Il deviendra une figure essentielle du mouvement, rebaptisé parti national socialiste, financé par des intérêts privés canalisés par le couple Hanfstaengl (Liev Schreiber et Julianna Margulies), structurant ses premières milices. Elu chef du parti le 29 juillet 1921, il organise un putsch en novembre 1923. Son échec et son emprisonnement, au cours duquel il rédigera son brûlot "Mein Kampf", sera, paradoxalement, son meilleur tremplin pour devenir le maître tyrannique d'une Allemagne en décomposition politique et morale.

Le film centre son propos sur le personnage de l'opportuniste Hitler, à peine contrebalancé par ceux de Ernst & Helene Hanfstaengl ou celui de Fritz Gerlich (Matthew Modine), en journaliste opposant. On y retrouve ou découvre les prémices de ce qui sera son terrifiant programme de pouvoir et de destruction, les principaux événements qui ont conduit, ou auraient pu éviter, cette inexorable montée en puissance du plus grand artisan du mal qu'ai connu le XXe siècle, au point d'en devenir un symbole. Sa personnalité trouble, la construction méthodique de son personnage et de son discours, qui puise dans le rêve mythique allemand pour mieux façonner le cauchemar d'une réalité à venir, sont assez bien dépeintes. Les relations ambiguës qu'il entretenait avec les femmes, Helene Hanfstaengl, sa nièce Geli Raubal et Eva Braun sont soulignées dans un parallélisme intéressant avec sa conception du pouvoir : séduire (en utilisant les faiblesses de l'autre), enfermer, bâillonner, pervertir et, finalement, détruire. Seule différence notable, sa relative impuissance dans la joute amoureuse.
La mise en scène, parfois un peu démonstrative, est bien rythmée, sans réel temps mort, élément primordial pour capter l'attention du spectateur pendant les plus de deux heures de la version courte du métrage. L'interprétation de Robert Carlyle(second rôle dans Trainspotting, étonnant Gaz dans The Full Monty) est plus que convaincante, même si un comédien (et une distribution) allemand(e), de surcroît dans sa langue maternelle, aurait peut-être gagné en force et crédibilité. Les prestations, secondaires, de Matthew Modine et (du septuagénaire) Peter O'Toole ne sont pas déterminantes et apparaissent davantage comme des arguments marketing. Au final, un téléfilm, moins décisif que certains documentaires sur la période, mais réellement intéressant. Dommage que nous n'ayons pas droit à sa version intégrale de trois heures.

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*société de production intégrée qui détient notamment d'importants intérêts dans huit réseaux de télévision spécialisés canadiens dont Showcase, Life Network, History Television, HGTV Canada, Series+, Historia, Headline Sports et Food Network Canada. Sa division cinéma, en difficulté, est actuellement en restructuration.

**ce qui a déclenché une polémique après la diffusion.

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