jeudi 11 mars 2004

Prizzi's Honor (l'honneur de prizzi)


"Nous les Prizzi ne pardonnons rien."

Sorti un peu plus d'un an après Once Upon a Time in America, l'avant-dernier film de John Huston est adapté du premier volume (1982) de la "saga Prizzi"* du publicitaire devenu producteur de théâtre et romancier Richard Condon**, auquel on doit également l'ouvrage à l'origine de The Manchurian Candidate de John Frankenheimer. Le réalisateur réunit un couple (étonnamment) inédit au cinéma, Jack Nicholson et Kathleen Turner, deux acteurs avec lesquels il n'a jamais tourné. Nommé huit fois pour les Academy Awards 1986, le film ne remportera qu'une seule statuette***, celle de la meilleure actrice dans un second rôle pour Anjelica Huston qui apparaît, ici, pour la quatrième fois (si l'on tient compte du collectif Casino Royale), dans une œuvre de son père.

Charley Partanna (Jack Nicholson) entre, dès la naissance, dans la famille de Don Corrado Prizzi (William Hickey), un ami proche de son père qui appartiennent tous deux à la mafia new yorkaise. Adulte, il devient un précieux homme de main et agent exécuteur des Prizzi. Au cours du mariage de la seconde fille de Dominic Prizzi (Lee Richardson), Charley a le coup de foudre pour une des invités, Irene Walker (Kathleen Turner). Après l'avoir rencontré à Los Angeles où il lui a déclaré sa flamme qui est partagée, il découvre qu'elle est une tueuse à gages réputée, de plus, impliquée dans une sombre affaire de détournement d'argent d'un casino appartenant aux Prizzi. Les explications d'Irène semblent convaincre Charley et les deux amants se marient. Mais l'enlèvement d'un directeur de banque, organisé par les Prizzi et exécuté par le nouveau couple, va définitivement semer la confusion dans le bel ordonnancement familial.
Malgré le casting et les récompenses obtenues, le film n'est pas une pièce majeure dans la carrière de Huston. On est loin de la magie des oeuvres des années 1940 ou du début des années 1950. Néanmoins, malgré une longueur un peu pénalisante et une cinématographie plutôt décevante****, Prizzi's Honor est intéressant pour plusieurs raisons (opinion confirmée par Scorsese qui, cinq ans plus tard, s'y référera dans Goodfellas). D'abord, parce qu'il n'y a pas de personnage authentiquement positif. En ce sens, il pourrait appartenir au second courant du film noir, mais en y intégrant une dimension que celui-ci n'avait pas, la caricature. Charley Partanna, en particulier, est un pitre sérieux qui se laisse manipuler tout en imaginant être maître du jeu. On rapporte que le réalisateur rappelait presque systématiquement à Nicholson, avant les prises, que son personnage était un imbécile. On se demande, en le regardant, s'il ne pastiche pas le Don Vito Corleone de The Godfather en insérant, comme Brando, des tissus dans la bouche pour modifier les traits de son visages.
Ensuite, le film est une des rares comédies romantiques (traitée sur le mode opéra-comique) dans le milieu des gangsters avec deux "caractères" féminins importants et forts. Il n'est pas sûr, d'ailleurs, que le trouble personnage de Maerose Prizzi, tenu par Anjelica Huston, soit un second rôle. Ses scènes sont, il est vrai, moins nombreuses que celles de ses partenaires, mais son influence et ses interventions sont cruciales. Enfin, c'est la réussite d'un couple à l'écran qui, étrangement, n'avait jamais été tenté et qui ne sera pas à nouveau réuni par la suite. On connaît les qualités comiques particulières de Nicholson depuis le début de sa carrière. Il apparaît, ici, dans un répertoire qui annonce le Daryl Van Horne de The Witches of Eastwick ou même son double rôle de The Joker-Jack Napier de Batman. L'énergie et le charme suspect de Kathleen Turner fonctionne encore parfaitement, quatre ans après le sulfureux Body Heat qui l'a révélé. De son côté, la discrète Anjelica Huston est une remarquable actrice, toute en nuances et retenue. Elle tourne, avec Prizzi's Honor, son troisième film, après The Last Tycoon et The Postman Always Rings Twice aux côtés de son compagnon de vie du moment, Nicholson, avant The Crossing Guard qui les réunira, une dernière fois, en 1995, six ans après leur séparation.
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*Prizzi's Honour a été suivi de "Prizzi's Family" (1986), "Prizzi's Glory" (1988) et "Prizzi's Money" (1994).
**qui fut, aussi, vice-président de RKO-Radio Pictures jusqu'en 1953.
***il est vrai que Huston et ses deux principaux interprètes étaient repartis chacun avec un Golden Globe, au terme d'une cérémonie qui s'était déroulé précisément deux mois plus tôt.
****à l'exception notoire de la caméra amoureuse d'un père lorsque sa fille, Anjelica, est dans le champs.

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