mardi 29 juin 2010

Bubù (bubu de montparnasse)


"Notre destin dans ce monde ne nous appartient pas."

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Premier des deux films de Mauro Bolognini produit par son frère Manolo, Bubù est une adaptation transposée du roman de Charles-Louis Philippe publié en 1901. Entre deux œuvres ouvertement socio-politiques, ce drame intime co-signé par le Milanais Giovanni Testori (auteur, rappelons-le, de l'ouvrage à l'origine de Rocco e i suoi fratelli) ne cherche pas à dissimuler sa vocation vitupératrice. Le cinéaste toscan a sans doute été intéressé par cette virulente conscience de classes qui transparaît chez l'écrivain et poète français (contemporain au cours de son enfance de Karl Marx), lui-même issu d'une famille misérable. Désillusionné manifeste humanitaire, Bubù reste comme l'un des plus sombres parmi les nombreux récits consacrés à la prostitution et, plus généralement, à la condition de la femme.
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Milan, fin du XIXe siècle. Berta décline la proposition de ses collègues lavandières d'aller boire à la taverne. La jeune femme va retrouver son amant Gino Berton dit 'Bubù' pour aller danser. Avant de quitter le domicile familial, l'orpheline de mère reçoit le blâme de son père, convaincu qu'elle va suivre la voie de Bianca, sa fille aînée qui vend ses charmes au profit d'un maquereau. Lassé de travailler, 'Bubù' vient de démissionner de son emploi d'aide-boulanger. Dans l'intimité, il suggère à Berta de se livrer à la prostitution afin d'accroître ses revenus, payer le loyer et la nourriture du couple. Pour ne pas perdre son homme, celle-ci accepte et rejoint le petit groupe, coloré et disparate, de ses congénères. Un après-midi, Berta croise Piero. Venu de la campagne pour étudier et travailler, Piero se réjouit de partager quelques moments avec elle, même si leurs rencontres sont tarifées. Il est d'ailleurs encouragé par son ami Luca, client régulier de Ninon qui vient de se suicider. Mais Berta découvre un matin être atteinte de syphilis, provoquant l'effroi panique et la fuite provisoires de 'Bubù'. Longuement hospitalisée, elle laisse ce dernier sans ressources.
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Dans la culture universelle francophone, la fille de joie (ou de petite vertu) est, si l'on peut dire, étroitement liée à trois auteurs célèbres : Balzac, Maupassant et Zola. La relative méconnaissance de "Bubu de Montparnasse" a vraisemblablement empêché Charles-Louis Philippe d'entrer dans ce prestigieux cercle littéraire. Sa vision apparaît, il est vrai, moins (ré)conciliante que l'image véhiculée par des courtisanes entretenues ou de sym-patriotique galante. La version de Mauro Bolognini renforce le sentiment de cette injustice. Dans La Viaccia*, Bolognini avait abordé le sujet sous une toute autre perspective. Associée aux classiques relations connexes (innocence et pureté perdues, altruisme, lâcheté et culpabilité), la prostitution prend ici une dimension de thématique de révolte, d'autant plus aiguë que l'exploitation qu'elle préfigure s'exerce entre "prolétaires". La mise en scène incorpore toujours dans un cadre réaliste cette démarche formelle, voire picturale qui caractérise la production du cinéaste depuis le début des années 1960. Second rôle dans Il Gattopardo et déjà partenaire de Massimo Ranieri dans le récent Metello, Ottavia Piccolo offre à son personnage l'une de ses plus belles interprétations (avec Mado de Sautet). Une prestation d'autant plus remarquable comparée à celle, un peu terne, des acteurs à l'exception de Gigi Proietti.
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*également dans La Notte brava ou dans son sketch du Plus vieux métier du monde.




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