lundi 7 juin 2010

All That Money Can Buy (tous les biens de la terre)


"A man can always change things..."

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Première production signée par William Dieterle depuis son arrivée aux Etats-Unis dix ans plus tôt, All That Money Can Buy est sans doute l'une des réalisations les plus personnelles du cinéaste. Devenu, un peu malgré lui, au sein de la Warner un spécialiste de la biographie filmée, l'ex-acteur natif de Rhénanie-Palatinat porte à cette occasion son dévolu sur The Devil and Daniel Webster, courte histoire publiée en 1937 par Stephen Vincent Benet et adaptée avec le concours de l'auteur. Après The Hunchback of Notre Dame, ce drame moral et fantastique constitue pour Dieterle, associé une nouvelle fois à la RKO, un autre classique de sa carrière hollywoodienne, offrant au passage à James Craig (qu'il dirigera une seconde fois dans Kismet) un rôle plurivoque et prééminent.
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En cette fin d'hiver 1840, Jabez Stone, son épouse Mary et sa mère sont empêchés de se rendre à la messe par la patte cassée d'un cochonnet. Le fermier du New Hampshire reçoit peu après la visite de son voisin Tom Sharp accompagné de Van Brooks du Massachusetts et d'Eli Higgins du Vermont. Touchés comme lui par les difficultés financières et climatiques, ils lui proposent de participer à la création d'une association destinée à défendre leurs intérêts, avec le soutien de Daniel 'Black' Webster, sénateur républicain du Massachusetts et possible futur président des Etats-Unis, dans le cadre du débat au Congrès relatif à la loi sur la faillite. N'ayant pu obtenir un délai pour rembourser la somme prêtée par l'usurier Stevens, Jabez est contraint de lui apporter en paiement des semences et un jeune veau. En hissant le bovin sur la charrette, Mary fait une mauvaise chute. Puis un renard attaque deux poules et Jabez fait tomber son pénultième sac de graines dans une flaque d'eau. Accablé par sa malchance, Jabez déclare imprudemment être prêt à se vendre au diable pour y mettre fin. Un inconnu, soudainement apparu de l'autre côté de l'étable, se présente alors à lui. Nommé Scratch, il le réconforte et lui affirme pouvoir inverser le sort qui le harasse, par exemple en faisant mystérieusement apparaître plusieurs pièces d'or dissimulées dans le sol, à condition qu'il s'engage par contrat à lui vendre son âme au terme de sept années.
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Variation transposée du conte populaire germanique "Fauststoff", rendu célèbre par von Goethe(1), mais aussi hymne à la gloire des Etats-Unis d'Amérique ainsi qu'aux défenseurs de ses vertueux idéaux, All That Money Can Buy(2) reste l'une des œuvres les plus remarquables de William Dieterle au cours de cette période. Tragédie en trois actes, dotée d'une solide dramaturgie rédemptrice, savamment maîtrisée sur le plan de la mise en scène, ce film souligne en particulier les convictions humanistes et l'engagement social (au sens noble du terme) du cinéaste. Pendant que Fritz Lang s'intéresse au sort de l'Europe en guerre et qu'Ernst Lubitsch ajoute à son exemplaire patrimoine une comédie conjugale, Dieterle suit ici une voie plus proche de celle de son cadet Frank Capra. Plusieurs scènes d'All That Money Can Buy méritent de figurer en bonne place dans la mémoire collective du Septième art, en tout premier lieu celle de l'étonnante cour de justice(3) au terme de laquelle se dénoue l'intrigue. Si les interprétations d'Edward Arnold (remplaçant de Thomas Mitchell blessé et titulaire du personnage de Jim Taylor dans Mr. Smith Goes to Washington) et de Walter Huston, à laquelle il doit sa deuxième nomination aux Academy Awards, sont superbes, celle de James Craig déçoit un peu. Belle prestation enfin de la Marseillaise Simone Simon, de retour sur le sol étasunien après deux productions françaises, parmi les efficaces seconds rôles de la distribution et intéressante partition, sa deuxième et pourtant déjà parfois identifiable, composée et dirigée par Bernard Herrmann, récompensée par un "Oscar" (sans oublier la photographie de Joseph H. August et le montage de Robert Wise).
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1. porté à l'écran notamment par F.W. Murnau dans lequel Dieterle tenait le rôle de Valentin, le frère de Gretchen.
2. contemporain, rappelons-le, entre autres de Citizen Kane ou de Dr. Jekyll and Mr. Hyde.
3. où sont convoqués, pour constituer le jury d'exception ou présider la séance, les esprits de damnés historiques tels que le juge John Hathorne (assesseur lors des procès contre les sorcières de Salem), le général Benedict Arnold (traître durant la guerre d'Indépendance), le renégat Simon Girty (auteur de raids contre ses compatriotes à la tête d'Indiens) ou encore Walter Butler (funeste participant à des massacres dont celui de Cherry Valley).

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