"Il y a des fois où j'aurais envie de hurler de toutes mes forces... et, en même temps, j'aimerais que personne m'entende."
Après trois court métrages, Jérôme Bonnell
écrit le script de ce qui doit devenir son premier long. Sa place de finaliste du "Prix junior du meilleur scénario" 2001*
lui permet de passer rapidement du stade de projet à la production du
film. Il n'a que vingt-trois ans au moment du tournage du Chignon d'Olga
mais la réalisation du film fait preuve d'une réelle maturité et d'une certaine maîtrise. Sorti à la fin de l'été 2002 (la même semaine que L'Adversaire
de Nicole Garcia
et Etre et avoir
de Nicolas Philibert
) dans une petite combinaison de salles, il mérite amplement d'être revu ou découvert grâce à cette édition DVD.
Julien (Hubert Benhamdine
), sa sœur Emma (Florence Loiret-Caille) et leur père Gilles (Serge Riaboukine
)
vivent ensemble dans la maison familiale de la campagne beauceronne.
Ils portent tous encore visiblement le deuil de leur mère et épouse. Julien a abandonné le piano, Emma alterne entre révolte et mélancolie et Gilles n'arrive plus à écrire ses livres pour enfants. Julien est instantanément troublé par le charme d'Olga (Delphine Rollin
),
une jeune libraire de la ville, lorsqu'il l'aperçoit à travers la vitre
de la boutique. N'osant pas l'aborder directement, il imagine un
stupide stratagème qui échoue maladroitement. Il n'évoque même pas son
désarroi à Alice (Nathalie Boutefeu
), son amie d'enfance, elle aussi en délicatesse affective avec son ami Grégoire. De son côté, Emma voit son trouble s'accroître lorsqu'elle devient l'objet de la convoitise de son amie Marion. Gilles, après avoir hésité, trouve, lui, un peu de réconfort auprès de Nicole, l'épouse de son ami bistrotier.
Film intimiste, sensible et intelligent, Le Chignon d'Olga
est un joli conte sur le désir et l'absence. L'absence, c'est celle,
fondamentale et fondatrice du déséquilibre des protagonistes, de la
figure de la mère. Emma, personnage concret, est celle qui
semble le plus cruellement touchée par cette perte, peut-être parce
qu'elle la pousse à devenir plus vite une femme. A l'inverse, Julien,
volontiers plus rêveur, semble s'affranchir de sa douloureuse filiation
et succombe au désir, même si l'être convoité est davantage un fantasme
qu'un corps. Entre les deux, Gilles, image ambivalente du
clown, à la fois drôle et triste, ne sait s'il doit accepter ou
renoncer. Malgré leurs apparentes bonnes relations, ils ne sont pas des
soutiens les uns pour les autres, ils ne se parlent pas, n'échangent pas
vraiment. Il est d'ailleurs symptomatique qu'il n'y ait pas de scènes
où ils se retrouvent tous les trois sans témoins. Aux dialogues près, le
film se situe quelque part entre Rohmer
pour sa légèreté et Resnais
pour sa douce gravité. Comme chez ce dernier, il y a un étrange
va-et-vient entre réalité et illusion, une même fascination pour le
spectacle, en particulier avec ce "fil rouge" constitué par les extraits
du Cirque
de Chaplin
,
une autre histoire d'amitié et d'amour impossible. Si le film n'est pas
exempt de maladresses, et s'il n'apporte pas de réponses (une qualité ici !),
il séduit néanmoins par sa pudeur, sa sincérité, la qualité et le
naturel des interprétations. Et on attend avec impatience et intérêt la
prochain film, déjà en tournage, de son réalisateur.
___
*une dotation de 4 500€ est attribuée depuis 1998 à un lauréat qui n'a pas plus de 27 ans à la date de remise des prix. Cette année-là, c'est A la folie... pas du tout
de Laetitia Colombani
qui a été primé ; un prix spécial du jury a été décerné à Demi-Tarif
d'Isild le Besco
.






Julien (Hubert Benhamdine




Film intimiste, sensible et intelligent, Le Chignon d'Olga





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*une dotation de 4 500€ est attribuée depuis 1998 à un lauréat qui n'a pas plus de 27 ans à la date de remise des prix. Cette année-là, c'est A la folie... pas du tout




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