vendredi 2 juillet 2004

Le Chignon d'Olga


"Il y a des fois où j'aurais envie de hurler de toutes mes forces... et, en même temps, j'aimerais que personne m'entende."

Après trois court métrages, Jérôme Bonnell écrit le script de ce qui doit devenir son premier long. Sa place de finaliste du "Prix junior du meilleur scénario" 2001* lui permet de passer rapidement du stade de projet à la production du film. Il n'a que vingt-trois ans au moment du tournage du Chignon d'Olga mais la réalisation du film fait preuve d'une réelle maturité et d'une certaine maîtrise. Sorti à la fin de l'été 2002 (la même semaine que L'Adversaire de Nicole Garcia et Etre et avoir de Nicolas Philibert) dans une petite combinaison de salles, il mérite amplement d'être revu ou découvert grâce à cette édition DVD.
Julien (Hubert Benhamdine), sa sœur Emma (Florence Loiret-Caille) et leur père Gilles (Serge Riaboukine) vivent ensemble dans la maison familiale de la campagne beauceronne. Ils portent tous encore visiblement le deuil de leur mère et épouse. Julien a abandonné le piano, Emma alterne entre révolte et mélancolie et Gilles n'arrive plus à écrire ses livres pour enfants. Julien est instantanément troublé par le charme d'Olga (Delphine Rollin), une jeune libraire de la ville, lorsqu'il l'aperçoit à travers la vitre de la boutique. N'osant pas l'aborder directement, il imagine un stupide stratagème qui échoue maladroitement. Il n'évoque même pas son désarroi à Alice (Nathalie Boutefeu), son amie d'enfance, elle aussi en délicatesse affective avec son ami Grégoire. De son côté, Emma voit son trouble s'accroître lorsqu'elle devient l'objet de la convoitise de son amie Marion. Gilles, après avoir hésité, trouve, lui, un peu de réconfort auprès de Nicole, l'épouse de son ami bistrotier.
Film intimiste, sensible et intelligent, Le Chignon d'Olga est un joli conte sur le désir et l'absence. L'absence, c'est celle, fondamentale et fondatrice du déséquilibre des protagonistes, de la figure de la mère. Emma, personnage concret, est celle qui semble le plus cruellement touchée par cette perte, peut-être parce qu'elle la pousse à devenir plus vite une femme. A l'inverse, Julien, volontiers plus rêveur, semble s'affranchir de sa douloureuse filiation et succombe au désir, même si l'être convoité est davantage un fantasme qu'un corps. Entre les deux, Gilles, image ambivalente du clown, à la fois drôle et triste, ne sait s'il doit accepter ou renoncer. Malgré leurs apparentes bonnes relations, ils ne sont pas des soutiens les uns pour les autres, ils ne se parlent pas, n'échangent pas vraiment. Il est d'ailleurs symptomatique qu'il n'y ait pas de scènes où ils se retrouvent tous les trois sans témoins. Aux dialogues près, le film se situe quelque part entre Rohmer pour sa légèreté et Resnais pour sa douce gravité. Comme chez ce dernier, il y a un étrange va-et-vient entre réalité et illusion, une même fascination pour le spectacle, en particulier avec ce "fil rouge" constitué par les extraits du Cirque de Chaplin, une autre histoire d'amitié et d'amour impossible. Si le film n'est pas exempt de maladresses, et s'il n'apporte pas de réponses (une qualité ici !), il séduit néanmoins par sa pudeur, sa sincérité, la qualité et le naturel des interprétations. Et on attend avec impatience et intérêt la prochain film, déjà en tournage, de son réalisateur.
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*une dotation de 4 500€ est attribuée depuis 1998 à un lauréat qui n'a pas plus de 27 ans à la date de remise des prix. Cette année-là, c'est A la folie... pas du tout de Laetitia Colombani qui a été primé ; un prix spécial du jury a été décerné à Demi-Tarif d'Isild le Besco.

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