mardi 16 décembre 2014

Lonely Are the Brave (seuls sont les indomptés)

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"You can always keep something."

Atypique, Lonely Are the Brave est un film étrange, au charme fou. On comprend aisément qu'il soit le préféré de . L'acteur-producteur s'était d'ailleurs porté acquéreur des droits du deuxième roman d'"The Brave Cowboy" publié en 1956, aussitôt après l'avoir lu, en confiant l'adaptation à son ami . La présence de  à la direction constitue un mystère. Réalisateur de plus d'une vingtaine de courts métrages pour la MGM au cours de la seconde moitié des années 1930, professionnel indépendant après la guerre,  était jusque-là surtout connu pour des polars ou des thrillers, notamment Sudden Fear. Il n'avait jamais auparavant collaboré avec  ou avec le producteur Edward Lewis (Spartacus).
Drame sociologique plus que traditionnel  western, Lonely Are the Brave peut être appréhendé comme une métaphore de l'anachronisme et/ou de l'inadaptation à la modernité. En 1961-62, le président J.F. Kennedy va désigner à son pays une "nouvelle frontière" : la Lune* (les programmes spatiaux Mercury et Gemini préparent déjà le lancement des vaisseaux Apollo). L'Ouest est conquise depuis des lustres, les grandes transhumances ont pris fin, contrariées par les clôtures en barbelé et par l'extension du chemin de fer. Le cowboy appartient désormais au mythe ou au folklore. C'est dans ce contexte (bien qu'il ne soit pas factuellement daté) qu'arrive en ville John W. 'Jack' Burns, monté sur sa jeune et splendide jument Whisky. Le cavalier s'est autorisé, au nom du chemin le plus court, de traverser une parcelle, ceinte de barbelés, appartenant à la compagnie locale d'électricité et la route nationale à l'intense trafic automobile. Jack y retrouve, après une longue absence, Jerry avec laquelle il a été et est resté très proche, même si la jeune femme est devenue Mrs. Bondi et la mère d'un garçon de huit ans. Pour tenter d'aider Paul, l'époux de Jerry appréhendé pour avoir persisté à aider des immigrants clandestins, Jack provoque par une bagarre son arrestation et sa mise en détention. Mais, sans être parvenu à convaincre Paul de s'évader avec lui, il lui faut échapper aux policiers lancés à sa poursuite et atteindre la frontière mexicaine en franchissant une montagne escarpée.
Ce n'est pas tant la solitude qui caractérise le personnage central de Lonely Are the Brave qu'une farouche volonté de préserver (à tout prix ?) sa liberté. Son intarissable soif d'indépendance l'a volontairement privé de la femme qu'il aime et dont il a été aimé. Le récit met ainsi subtilement en balance, sans réellement trancher, la séduisante bravoure et le plus rationnel sens des responsabilités sociales. Il existe une certaine parenté intellectuel entre le 'Jack' sans identité officielle et , connu pour ses positions anarchisantes (s'opposant par ex. publiquement à la conscription) et pour la protection de la nature. L'idéalisme du garde forestier saisonnier semble néanmoins ici tempéré par une explicite influence de la fatalité.
L'option pour un noir et blanc au contraste accentué surprend dès les premières images du film. Outre le classique renforcement de ses caractères esthétique et dramatique, ce choix pourrait avoir d'autres implications : souligner la dualité thématique, restreindre le champs impressif des possibles, contribuer subjectivement à antidater les événements. Le talent artistique et la maîtrise technique semblent s'être donnés rendez-vous dans la région d'Albuquerque (Nouveau Mexique) et le directeur de la photographie Philip H. Lathrop (disciple de Russell Metty) accomplissent un travail vraiment remarquable. Aux côtés d'un  admirable de finesse et de sobriété,  (dans son deuxième rôle significatif au cinéma) et  réussissent à donner une substance à leur personnage secondaire. Il faut aussi saluer Jerry Goldsmith (jusque-là surtout employé par la télévision, recommandé à Universal par son collègue Alfred Newman uniquement sur la base de ses partitions) pour la pertinence et la qualité de sa bande originale. Lonely Are the Brave est un grand, beau et inaltérable film, qui gagne à être revu.
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*le passage dans le ciel, nouvel espace sans limite, d'avions de chasse au début du métrage n'a probablement rien d'anodin.




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