lundi 29 décembre 2014

Liliom

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"... Sans vous faire aucun mal."

L'interdiction, décrétée par le ministre nazi de la propagande, de Das Testament des Dr. Mabuse (dont une version en français a été simultanément tournée) offre à  l'un des motifs décisifs pour quitter son pays. En France où il est également exilé, le producteur Erich Pommer lui propose de réaliser un nouveau film. Pour ce qui sera leur ultime collaboration, le choix se porte sur une adaptation de "Liliom", la pièce du Hongrois Ferenc Molnár créée à Budapest en 1909.  ne connaît vraisemblablement pas la toute première version, muette et inachevée, dirigée en 1919 par un compatriote de l'auteur, Kertész Mihály (mieux connu ensuite sous le pseudonyme de ). Il a en revanche peut-être vu ou, au moins, appris l'existence de celle tournée en 1930 par  pour la Fox (voir article). Produit par la filiale européenne du studio, Liliom s'en distingue assez sensiblement. Le personnage façonné par  apparaît en effet, et cela ne surprend pas, bien moins résigné, candide, désincarné (éthéré) que le précédent. Ecrit par le Berlinois Robert Liebmann (notamment co-adaptateur de Der blaue Engel) et dialogué par le Français Bernard Zimmer, le scénario ne peut cependant dissimuler l'influence exercée par le réalisateur. Et s'il peut, a priori, sembler une œuvre un peu atypique dans la carrière du cinéaste, ce conte à la fois moral, social et surnaturel porte en lui certains de ses récurrents thèmes de prédilection (violence, injustice, fatalité).
Voir , qui ne cachait pas son agnosticisme, amené à illustrer l'au-delà constitue néanmoins une des cocasseries de cette unique production française. L'ancien époux de Thea von Harbou, avec laquelle il avait emmené une femme sur la lune, le fait évidemment avec recul et ironie, s'amusant par exemple à dépeindre une administration céleste au moins aussi tatillonne et mal outillée que la terrestre. L'égoïsme et la lâcheté (suicidaire) du Liliom de  avaient une capacité rédemptrice ; chez , sans pouvoir être altérés par le regret ou le remord, ils sont même incapacitants ("c'est moi qui voudrait vous donner quelque chose... de beau... de très beau"). Sous contrat depuis cinq ans avec la MGM* pour laquelle il avait tourné plusieurs films,  obtient avec Liliom l'un des meilleurs et plus inhabituels rôles de sa carrière. Le contraste apporté avec une délicate justesse par  se révèle assez époustouflant. La jeune comédienne belge, à l'époque membre de la troupe de Louis Jouvet, est assurément le joyau de ce drame .  et  réussissent à s'extraire de l'ombre où est plongé le reste d'une distribution où apparaissent toutefois  et . Il faut enfin souligner la qualité des éclairages et de la photographie** du Polonais Rudolf Mayer alias Rudolph Maté (dont le travail auprès de Carl Theodor Dreyer avait déjà été remarqué) sur le point, comme , de s'envoler vers les Etats-Unis.
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*probable explication de la présence à Paris de David O. Selznick, qui venait de faire son retour au studio. Celui-ci profita de sa rencontre avec  pour l'inciter à se rendre à Hollywood.
**autant que le médiocre niveau technique de l'édition vidéo nous permette d'en juger !




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